«Je suis consternée», lance Kate Bolick, au bout du fil, dans les bureaux new-yorkais du magazine The Atlantic. Et pour cause: depuis qu'elle a publié son reportage «All the Single Ladies», dans ce mensuel réputé, cette journaliste goûte à une célébrité instantanée totalement inattendue.

Quarante-deux mille «Like» sur Facebook, des millions de lecteurs, des pluies d'invitations pour des émissions de télé et de radio ont suivi la publication de ce reportage dans lequel Bolick fait état, statistiques et multiples entrevues à l'appui, du déclin de l'institution matrimoniale aux États-Unis. Un papier intimiste écrit au «je», dans lequel cette résidante de Brooklyn Heights rapporte son propre cheminement personnel qui l'a menée à joindre le vaste club des célibataires américaines, à l'aube de ses 40 ans.

«Comme plusieurs de mes amies, j'ai longtemps tenu pour acquis que je finirais par me marier, dans la mi-trentaine. Mais comme je repoussais toujours la chose à plus tard, je me sentais à la fois confuse, frustrée et j'avais l'impression d'être quelqu'un d'égoïste ou d'immature. Jusqu'au jour où, vers 35 ans, j'ai libéré mon esprit des pressions internes et externes», raconte Kate Bolick.

Finalement, c'est surtout sa façon d'affirmer être heureuse de son sort, même si sa vie ne s'est pas déroulée comme elle l'avait prévu, qui a valu à Kate Bolick un déluge de remerciements. «C'était renversant de recevoir tous ces messages de gens qui disaient avoir été consolés, inspirés, troublés par mon article.»

Kate Bolick dit que la célébration de son statut de single lady a fait plaisir à beaucoup de lecteurs. Ce qui donne sens à sa vie? «Mes lectures, mon écriture, le fait d'avoir du temps pour entretenir des amitiés profondes, de bonnes relations avec les membres de famille. Grâce à mon travail, j'ai pas mal voyagé et j'ai accumulé des tonnes d'expériences intéressantes. Je n'ai pas trouvé le bon gars. Et après?», confie cette fille d'une féministe des années 70 qui, interrogée par Gayle King sur le réseau OWN, a juré à la meilleure amie d'Oprah que oui, elle était une femme accomplie et heureuse.

Kate Bolick, s'il faut croire son article, n'est pas un oiseau rare. Selon une étude du Pew Research Center, 44% des membres de la génération Y (ceux nés de la fin des années 70 aux années 90) et 43% des X jugent le mariage obsolète. Et la reproduction, suggère-t-elle, n'est plus associée au mariage: 40% des enfants, aux États-Unis, sont mis au monde par une mère monoparentale. De toute façon, l'enfantement n'est plus un passage obligé: depuis 1976, énonce Bolick, le pourcentage de nullipares de 40 ans a presque doublé. En revanche, elle rapporte qu'en 2010, aux États-Unis, les femmes sont majoritaires sur le marché du travail. Une première historique qui, forcément, a un impact dans les relations hommes-femmes.

Dans son article, Kate Bolick confie qu'en dépit de ses 39 ans, elle n'a pas renoncé à la maternité, mais n'entend pas tout faire pour devenir mère: «J'ai décidé de ne pas laisser la biologie diriger ma vie amoureuse.»

Une partie de l'attention qu'a attirée Kate Bolick est sans doute liée au fait que sa photo a été publiée à la une de The Atlantic, lors de la publication de son reportage. «Je ne cesse de recevoir des invitations à sortir de lecteurs et même des demandes en mariage», s'amuse la New-Yorkaise qui n'a vraiment strictement rien de la «vieille fille» d'antan. «Je pense que la femme célibataire est quelque chose qui continue de fasciner», songe Bolick, dont le texte a été reproduit dans les pages de l'édition du week-end dernier du quotidien britannique The Guardian, au lendemain de la Sainte-Catherine, la fête des vieilles filles.

Kate Bolick serait-elle devenue la sainte patronne d'une nouvelle cohorte d'heureuses Catherinettes?