Sur son fil Twitter, Maryse Deraîche ne tarit pas d'enthousiasme pour la célébrité instantanée que lui a valu son texte «Qui perd gagne», paru cette semaine sur le site d'Urbania. «Quelle fabuleuse expérience!», se réjouit la jeune femme de Québec de 31 ans qui s'est mise à nue au propre comme au figuré dans ce qui est «probablement l'un des articles les plus troublants [et émouvants] de l'histoire d'Urbania».

Il y a deux ans, celle qui emprunte le pseudonyme Mariz était obèse: elle pesait 360 livres. Aujourd'hui, elle se présente comme «belle et blonde» et pèse 145 livres pour ses 5 pi 8 po (1,72 m). Le photographe Paul-André Larocque l'a immortalisée d'abord en svelte et fougueuse vamp, puis en costume d'Ève où est révélé le triste spectacle de ses chairs évidées et pendantes que dissimulent avantageusement des vêtements ajustés.

«C'est très personnel comme article. Quand on a subi un changement corporel de la sorte, on ressent le besoin de coucher ça sur papier», exprime Maryse Deraîche, au bout du fil, qui espère que cet article réalisé avec son meilleur ami, le photographe Paul-André Larocque, «ouvrira les horizons des personnes obèses et fera la preuve qu'il n'y a rien de miraculeux dans la vie.»

Impact social

Dans son témoignage coup-de-poing, Maryse Deraîche s'en prend à une société qui rend les obèses et les personnes aux comportements «incorrects» responsables de leurs maux.

«De nos jours, si nous ne mangeons pas six portions de fruits et de légumes quotidiennement, si nous ne faisons pas 30 minutes d'exercice soutenu ou si nous avons le malheur de fumer, nous méritons nos malheurs!» écrit celle qui tient «un problème métabolique récurrent» responsable de son surpoids.

L'amincissement de Maryse Deraîche n'est pas le résultat d'un régime, puisque la jeune femme a plutôt choisi de prêter son corps à la science. Trois ans d'expertises, de séances d'information et de consultations avec des spécialistes ont précédé l'intervention chirurgicale «complexe et lourde de conséquences» qui lui a donné un nouveau corps.

Et voilà qu'elle expose au grand jour les résultats d'une démarche lourde de conséquences. «Le but n'était pas de choquer, mais bien de démontrer le décalage entre ce que les gens perçoivent d'une image corporelle et la réalité qui est cachée, sous l'enveloppe.»

Jadis, quand elle était ronde, ses articulations et son rythme cardiaques étaient peut-être souffrants, son derrière était peut-être trop volumineux pour les bancs de l'université, mais elle avait des amis, des chums, des amants. Aujourd'hui, Maryse est libérée de son surpoids, mais porte néanmoins une tonne et demie de meurtrissures, bien dissimulées sous ses vêtements sexy.

«Lorsqu'un infirmier est venu m'aider à me lever, trois heures seulement après l'intervention, je l'ai regardé, les yeux noyés de morphine, et j'ai dit: «Si jamais un jour quelqu'un vient me dire que c'était la solution facile, je lui CÂLISSE mon poing sur la yeule.»»

La «fabuleuse expérience» de Maryse Deraîche, bien entendu, c'est sa percée fulgurante dans les statuts Facebook et Twitter de centaines de sympathisants à sa cause. «C'est incroyable, tout l'amour et les encouragements que j'ai reçus» Le nouveau fan-club de Maryse Deraîche a trouvé en cette jeune femme au corps prématurément vieilli une poster girl pour une époque où l'obsession du corps n'a d'égale que l'obsession d'être vu, entendu, retwitté...

Symbole d'une époque

Maryse Deraîche - à l'instar de la Britannique Samantha Beck, cette inconnue de 41 ans devenue célèbre après avoir signé un texte dans le Daily Mail sur la jalousie que lui vaut sa grande beauté - est le symbole d'une époque où tout ce qui est «viral» prend spontanément une importance cruciale.

Si ce texte a tant suscité l'attention, c'est que Maryse Deraîche porte plusieurs paradoxes. En même temps qu'elle dénonce l'obsession de la minceur, elle révèle les douleurs et séquelles d'une procédure encore expérimentale. Deux ans après sa chirurgie, la prochaine étape sera la chirurgie esthétique, qui pourrait lui coûter plusieurs dizaines de milliers de dollars.

«Le but n'était pas de choquer», assure Maryse Deraîche qui jure qu'elle ne s'attendait pas à ce que son histoire crée une «aussi grosse vague.»

Un tsunami, plutôt. Qui dérange et repousse les frontières d'une réflexion sur notre rapport trouble à nos corps et à nos miroirs.