C'était il y a 10 ans. Deux éducateurs en garderie ont décidé de lancer un disque rock pour enfants. Quelques albums et des centaines de concerts plus tard, leurs tounes continuent de faire danser les petits et (surprise!) leurs parents. Rencontre avec des musiciens pour enfants pas comme les autres.

Soyons francs. La musique pour enfants, ordinairement, ça ne plaît pas spécialement aux parents. Toute la musique pour enfants? Non, un petit groupe d'irréductibles musiciens continuent, depuis 10 ans, à nous faire danser et chanter malgré nous aux festivals et autres fêtes de la famille.

Il faut dire que les rythmes des Petites Tounes sont très entraînants, les refrains craquants («prout prout prout que je t'aiiiiime!», le hit de leur premier album, on ne s'en lasse pas) et l'ambiance, toujours très festive.

«Je dirais qu'on fait de la musique familiale, commente Claude Samson, cofondateur des Petites Tounes, issu de Vilain Pingouin, rencontré la semaine dernière. Mais comme on est des gars, avec une approche de groupe rock, je crois que c'est ça qui nous démarque.»

Il faut dire que lorsqu'ils ont lancé leur premier disque, il n'y avait à l'époque que Carmen Campagne dans le décor musical pour enfants. C'était avant Annie Brocoli, Arthur l'Aventurier, et les autres. Comme ils le reconnaissent eux-mêmes, nos rockeurs n'avaient (n'ont?) pas franchement le «physique de l'emploi». D'où la réaction, plutôt l'absence de réaction, quasi totale du milieu de la musique. «Les gens s'attendaient à une femme, une maman, quelqu'un de plus maternel dans son approche.»

Par contre, chez les enfants (et leurs parents), c'est la révélation. La première cassette, un simple recueil de leurs textes écrits pour les enfants de leur garderie (Au Petit Nuage, à Notre-Dame-de-Grâce) fait fureur. Les familles adorent. En redemandent. Pour leurs amis. Et les amis de leurs amis. À la demande générale, les Petites Tounes venaient de naître.

Vingt années d'expérience avec les tout-petits leur ont visiblement servi. «Les autres musiciens pour enfants passent toujours par un personnage pour s'adresser aux enfants. Ils parlent Caillou. Nous, on est Carlos et Claude, enchaîne Carlos Vergara, également membre de la première heure. C'est parce qu'on est des éducateurs. On a le tour avec les enfants.»

Surtout populaires à Montréal et dans les environs (ils étaient plusieurs milliers à les applaudir cet été aux FrancoFolies), les Petites Tounes commencent à se faire connaître en région. Il y a quatre ans, ils sont même allés donner un spectacle en France. Leur accent et leurs références allaient-ils passer (rappelons que leur dernier album s'appelle Dans le sous-sol: «mais il n'y a pas de sous-sol là-bas!»)? Il faut croire que oui. Réaction: «Ça déchiiiire, les Petites Tounessss!»

Avis aux intéressés: depuis un an, nos édurockeurs offrent aussi des ateliers de musique aux écoles, présentant leurs instruments et initiant les jeunes à leurs rythmes de musique du monde.

Malgré cet incontestable succès auprès des jeunes, les Petites Tounes ne roulent pas sur l'or. Au contraire. La semaine dernière, il a d'ailleurs été impossible de rencontrer le groupe au grand complet. Deux des membres (Rodolphe Fortier, aussi issu de Vilain Pingouin, et Martin Saucier), éducateurs en service de garde (un préalable pour faire partie du groupe, disent-ils à la blague), n'ont pu se libérer. «Ils ne peuvent pas se permettre de prendre congé», glisse Carlos Vergara.

Parce que leurs albums, aussi jazzy soient-ils, ne se vendent pas vraiment (à quelques milliers d'exemplaires, sans plus). Comme leurs chansons ne sont pas diffusées à la radio (à quand une station de radio pour enfants?) il ne reste que les spectacles pour les faire connaître.

«Pas de spectacle, pas de revenu, c'est difficile», résume Claude Samson. Et leurs spectacles, avec tout l'attirail musical qu'ils traînent, coûtent aussi très cher. «On part en tournée comme un vrai groupe rock. Mais on n'a pas le cachet d'un vrai groupe.»

Pour continuer de créer, les quatre rockeurs se réunissent donc les fins de semaine. Mine de rien, ils nous mijotent un nouvel album folk pour le printemps. Et qui sait, peut-être même un disque de Noël l'année prochaine. À suivre.