Bébé régurgite, ne fait pas ses nuits, mord ses copains à la garderie. Est-ce une surprise? Bien peu de papas discutent de ces vastes sujets sur l'internet. Une chercheuse sonne l'alarme.

Wendy Hall, professeure à l'école de soins infirmiers de l'université de Colombie-Britannique vient de publier un article dans la revue scientifique Journal of Advanced Nursing sur les communications web entre mamans. C'est une des premières chercheuses à s'intéresser à cette question au pays.

Après avoir épluché les conversations d'une quarantaine de mères de sa région pendant un an, son verdict est clair : «On dirait que les conjoints sont absents du portrait!»

Vrai, pour tous les forums de type mamanpourlavie, magicmaman ou desperatenetwives, combien compte-t-on de jeunepapa.com? Le forum de discussion «Les mamans et les papas du Québec» ne compte qu'une infime minorité de papas actifs: une part de 6%.

«On dirait que les papas sont moins intéressés, ils ont moins besoin d'extérioriser. Les mamans sont en congé un an, elles ont aussi souvent besoin de conseils «, avance Marie-Lyne Pratt, mère de deux jeunes enfants, et ardente consommatrice de forums, qu'elle qualifie de «monde de fille».

«Probablement que les pères sont intimidés, renchérit Caroline Allard, la plume de Mère Indigne. Mais il n'y a pas de clause d'exclusion!»

Dans sa recherche, Wendy Hall a noté plusieurs aspects très positifs aux forums: les femmes les utilisent non seulement pour discuter des grands classiques de la maternité et partager leur vécu (sur les dodos, l'introduction des solides), mais aussi pour s'échanger des services (des études scientifiques, les coordonnées d'un pédiatre) voire pour s'échanger des vêtements et organiser des rencontres entre enfants. «On voit que le web a beaucoup à offrir aux mères, mais elles ont quand même besoin de rencontres en face-à face», remarque la chercheuse.

N'empêche : sur près de 300 pages de communications épluchées, pas un mot, ou presque, sur les pères. «Quand une femme a mentionné son conjoint, c'était pour signaler qu'il trouvait qu'elle passait beaucoup de temps à l'ordinateur...»

L'infirmière y voit là un problème dans le partage des tâches à venir. «Les mères veulent que les pères participent, mais c'est très difficile s'ils sont exclus des discussion», fait-elle valoir.

D'après son expérience de plus de 25 ans auprès des jeunes parents, il est pourtant fondamental que, dès les premiers instants de vie d'un enfant, les deux parents s'entendent sur ces grands dossiers : où faire dormir bébé, le laisse pleurer ou pas, avec ou sans sucette, etc. «Tout particulièrement avec les questions entourant le sommeil, si les deux ne s'entendent pas, rien ne marchera «, tranche-t-elle.

Germain Dulac, le grand spécialiste de la paternité au Québec, ne croit pas qu'il y ait vraiment matière à s'inquiéter. «Les groupes de discussions, ça n'intéresse pas les gars. Les gars sont dans l'action: ils vont essayer toutes sortes d'affaires jusqu'à ce que ça marche», dit-il. De leur côté, les filles se sentent «investies d'une compétence maternelle». «Les féministes ont beau s'énerver avec la question du partage des tâches, dans la vrai vie, c'est beaucoup plus efficace de diviser les tâches, dit-il. À unmoment donné, il faut opérer dans la vie.»