Osons cette dérangeante question: les enfants sont-ils nocifs pour l'environnement? Faudrait-il carrément cesser de procréer pour sauver la planète?

Tiré par les cheveux? Détrompez-vous. Cette délicate question préoccupe les chercheurs depuis le XVIIIe siècle. C'est à l'économiste Thomas Malthus que l'on doit les premières analyses des risques associés à la surpopulation. Or, voilà que depuis quelques mois, des études scientifiques accablantes se multiplient, nous invitant toutes à repenser nos objectifs quant à la natalité. Ici même, dans les pays développés.

 

Dans le dernier numéro de la revue Lancet, des chercheurs insinuent (une insinuation reprise par The Economist) que pour lutter contre les changements climatiques, mieux vaudrait cibler sur la planification familiale que sur les technologies vertes, cinq fois plus coûteuses. La revue Global Environmental Change a publié ce printemps une étude avançant que l'impact écologique de chaque nouvel être humain surpasse largement toutes les mesures vertes possibles: avoir un enfant ajouterait près de 9500 tonnes de CO2 à l'empreinte carbone des parents, annulant du coup tous les gains réalisés par leur recyclage, compostage, etc. On parle d'enfants nés ici: l'impact écologique de chaque nouvel enfant né aux États-Unis (et de toute sa descendance) serait de 160 fois supérieur à celui d'un enfant né au Bangladesh, chaque enfant amenant avec lui son lot de consommation, pollution, réduction des ressources limitées.

Dernièrement, le Times rapportait que le choix d'avoir un troisième enfant pouvait se comparer au choix de faire 620 allers-retours entre Londres et New York. En bref, avançait la journaliste, les conducteurs de VUS seraient aussi peu écolos que... les familles nombreuses.

Hérésie? Élise Desaulniers, 34 ans et engagée écologiquement, n'a pas d'enfant. «Et je n'en veux pas. Le problème n'est pas de faire des enfants, nuance-t-elle, c'est de faire trop d'enfants, un problème concentré dans les pays en voie de développement.» Celle qui porte un stérilet pour ne pas rejeter d'hormones dans les égouts et pour ne plus être menstruée (donc ne plus consommer de tampon et serviette) préfère profiter de son temps libre (lire: sans enfant) pour militer pour la cause: «Financer des projets humanitaires et militer pour une réduction de notre consommation», dit-elle.

Ce discours pénètre tranquillement celui de la politique. L'an dernier, un conseiller spécial pour l'environnement britannique de même qu'un député vert français ont fait beaucoup de vagues en plaidant en faveur d'une restriction des naissances.

Au Québec, l'opinion demeure toutefois beaucoup plus nuancée. Tant la Fédération du Québec pour le planning des naissances (qui se dit «toujours très critique face à toute forme de contrôle de la fertilité des femmes») que le Réseau québécois pour la simplicité volontaire et Équiterre soulignent, qu'avant d'en arriver à des suggestions aussi radicales, bien d'autres mesures doivent être prises. «Aujourd'hui, l'enjeu c'est la répartition des ressources et à quel rythme on consomme ces ressources», indique Sidney Ribaux, d'Équiterre.

N'empêche que tout le monde s'entend: la planète ne peut pas soutenir 7 milliards d'habitants de façon durable. Ni dans les pays en voie de développement, ni ici. Vrai, on le sait, ne pas faire d'enfant risque d'avoir des conséquences en termes de vieillissement de la population. Mais à long terme, «les enjeux environnementaux sont beaucoup plus grands que les enjeux démographiques», conclut Thomas Le Grand, démographe à l'Université de Montréal. Une question se pose, alors: c'est quand, le long terme?