«Je ne veux pas d'un futur consommateur engraissé et abreuvé par l'ignoble industrie alimentaire pour en faire un obèse allergique qui, par la force des choses, enflera les coffres des pharmaceutiques», pouvait-on dans le courrier des lecteurs de La Presse, en 2003, sous la plume acérée de Jean-François Bottollier.

Six ans plus tard, il n'a pas changé d'avis. Il refuse de mettre au monde un autre «produit McDonald» qui fera inévitablement tourner la roue de notre société de consommation. «On est déjà beaucoup trop», dit-il.

Sans le savoir, cet électricien montréalais de 39 ans fait partie d'un mouvement «antinataliste» qui prend de l'ampleur, porté par la vague écologiste.

En Occident, des dizaines de livres et de sites web, tels que «childfree.com», font désormais l'éloge de la dénatalité. Faire des enfants tue, avance-t-on. Pour sauver notre planète surpeuplée, polluée et meurtrie par les guerres, une seule planche de salut : la contraception.

En Europe, cet étrange militantisme - minoritaire, il va sans dire - a atteint les rangs des politiciens. Yves Cochet, député européen des Verts, prône ainsi «la grève du troisième ventre» ; pour dissuader les familles de trop s'agrandir, il suggère de réduire l'aide financière versée aux couples à partir du troisième enfant.

Le 16 mai dernier, un couple belge a organisé la toute première «fête des non-parents», à Bruxelles. «Dans la société, tout est fait pour la famille, explique Frédérique Longrée. Il y a des fêtes pour les pères, pour les mères, pour les enfants. Ceux qui n'en ont pas sont oubliés de tout.»

L'initiative a choqué. Mme Longrée a reçu des courriels virulents. «On m'a écrit que j'étais une erreur de la nature, que mes parents auraient dû avorter... Nous ne faisons de mal à personne, mais ce qui est différent fait peur. C'est une bonne chose que l'on commence à en parler, parce que ça permet de combattre l'ostracisme dont certains sont victimes.»

Une centaine d'incompris ont participé à la fête - sans frais de gardiennes à payer. Ils ont reçu une médaille du mérite écologique, signé le «grand livre de la stérilité» et terminé la soirée par une «grande beuverie collective pour célébrer les joies de la non-parentalité».

Le couple belge espère organiser une deuxième fête, l'an prochain, à Paris. «On a envie de taper sur le clou, d'exiger une vraie reconnaissance», dit Théophile de Giraud, le conjoint de Mme Longrée.

Lui-même avoue ne pas avoir d'enfants «par égoïsme», et «parce qu'il n'a aucun instinct paternel». Mais il soutient que d'autres s'en abstiennent par pur altruisme. «Ces gens considèrent que le monde dans lequel on vit n'a rien de drôle. Ils n'ont pas envie de le léguer à des enfants qui n'ont rien demandé.»