Vrai, on parle rarement en bien des parents des enfants de la DPJ. Il n'est pas franchement courant de souligner leurs compétences parentales. Et pourtant, certains le font. C'est le cas de Ces années incroyables, une formation offerte dans les centres jeunesse et récemment primée, qui vise à mieux outiller ces parents éprouvés et surtout, à leur redonner confiance.

Mardi soir, 19h. Nous sommes dans un centre jeunesse de Montréal. Trois parents, deux jeunes mères et un papa, sont assis en rond avec deux formatrices. Au menu ce soir: les conséquences logiques et les pertes de privilèges.

 

Qu'est-ce qu'une conséquence logique? «Ben... Un enfant qui ne veut pas se coucher le soir et qui est fatigué le lendemain matin, c'est sa conséquence», répond une maman.

«Exactement, répond l'une des psychoéducatrices, Éliane Brosseau. Une conséquence logique (dans ce cas-ci naturelle), c'est une conséquence qui a un lien direct avec le comportement.»

Un exemple: un enfant doit faire ses devoirs et ses leçons, ensuite il peut jouer. Mais s'il ne fait pas ses devoirs, s'il traîne, quelle est la conséquence? «Pas de jeu!

- Exactement. Pas: pas de dessert. Ça n'aurait pas de rapport.»

Les parents acquiescent. Partagent des exemples. «Tiens, mon gars, l'autre soir, il ne voulait pas aller prendre son bain, raconte le père. Il a fait une grosse, grosse crise. Alors, je lui ai dit dodo, et pas de PSP demain.» La jeune mère à côté de lui prend des notes. Elle réfléchit. «Attends, là. Tu as donné deux conséquences. C'est bon, ça, donner deux conséquences? C'est pas un peu trop?» demande-t-elle, les yeux rivés sur la psychoéducatrice.

Celle-ci saisit la balle au bond. Sans juger, elle interroge: «Comment votre enfant va-t-il se sentir si vous donnez trop de conséquences?» La question reviendra plusieurs fois pendant le cours. «Trop de conséquences, cela peut provoquer le comportement négatif de l'enfant», suggérera-t-elle. Jamais elle ne prendra un ton d'autorité. Pour cause: cette approche est au coeur de la philosophie de la formation. «On ne veut pas avoir l'air de spécialistes. Ce qu'on veut, c'est une relation de réciprocité entre l'intervenant, qui a l'expérience, et le parent, qui est le premier à bien connaître son enfant.»

Cette approche est aussi au coeur de la philosophie des centres jeunesse. «Nous travaillons très fort sur la mobilisation des parents. Nous cherchons toujours des moyens pour être plus soutenants, pour mieux les aider à reprendre leur vie en main, explique Sylvie Constantineau, directrice des services professionnels et des affaires universitaires du centre jeunesse de Montréal. Ces années incroyables est un de ces moyens.»

Les semaines précédentes, ce sont les questions du retrait et des limites qui ont été travaillées. La semaine prochaine, ce sera le soutien à la réussite scolaire.

Fait à noter, les premiers cours de la formation, qui cible les parents d'enfants de 5 à 10 ans, n'ont pas du tout traité de discipline. Au contraire. Le thème abordé était plutôt: avoir du plaisir avec mon enfant. Ce n'est finalement qu'au bout d'un mois d'une formation de 16 semaines que l'on a commencé à aborder la discipline. Et cette approche n'est pas innocente. «On se concentre sur les comportements positifs, les petits gestes positifs, l'attention positive, explique Sylvie Normandeau, professeure à l'École de psychoéducation de l'Université de Montréal et responsable de l'implantation du programme dans les centres jeunesse. Quand on donne davantage d'attention positive à un enfant, il a moins tendance à avoir un comportement dérangeant. Et nous, on fait le pari que le parent aura aussi moins besoin d'avoir recours à l'artillerie lourde des conséquences.»

Des résultats concluants

Les parents qui participent à la formation ont tous un dossier à la DPJ. Pour des motifs de négligence, parfois de violence corporelle, des problèmes de consommation ou autres. Mais pour qu'ils soient admissibles à la formation, leur problème, quel qu'il soit, doit être «sous contrôle», reprend la psychoéducatrice.

Ce sont des parents qui, souvent, ont des pratiques pédagogiques «déraisonnables», sans «routine de vie»: par exemple, ils ne se lèvent pas le matin, n'habillent pas leur enfant avec des vêtements de saison. Du coup, ils se retrouvent avec des enfants difficiles, agressifs, oppositionnels. Bref, ce sont des parents démunis.

Or, après avoir suivi le cours, partagé en groupe, visionné des mises en situation et fait plusieurs jeux de rôles, s'être fait répéter «c'est vous qui connaissez le mieux vos enfants, c'est vous les experts de vos enfants», ces parents semblent moins mal pris. Mieux outillés.

Des recherches comparatives entre des parents qui ont suivi la formation et d'autres qui n'en ont pas bénéficié, réalisées par le département de psychoéducation de l'Université de Montréal, le confirment: entre le début et la fin de la formation, un nombre significatif de familles retrouvent la garde de leur enfant. Le taux de placement en famille d'accueil diminue donc d'autant. Mieux: 80% des dossiers des familles qui suivent la formation sont fermés, ou les services requis sensiblement moindres, contre 55% des dossiers des familles du groupe témoin.