Qu'on se le dise: non, les enfants et les adolescents ne sont pas tous enfermés, collés à leurs écrans. La majorité d'entre eux affirment jouer, faire du sport, bref, passer souvent du temps dehors, au grand air. Et sans surprise, ce sont ceux qui passent le plus de temps dans la nature qui ont la meilleure estime d'eux-mêmes, qui réussissent le mieux à l'école, qui sont les plus engagés face à l'environnement, mais aussi ceux qui sont... les plus stressés. Un sondage exclusif fait le point.

La majorité des jeunes affirment passer «souvent» ou «assez souvent» du temps en plein air, dans des parcs, des espaces verts ou autres bases de plein air, révèle un sondage de la fondation Monique Fitz-Back, que La Presse a obtenu.

Contrairement à ce qu'on voit ou entend régulièrement dans les médias, seule une minorité de jeunes disent en fait n'aller que «rarement» (29%) ou «jamais» (8%) dans la nature.

C'est du moins ce qui ressort de l'enquête menée au mois de mai dernier auprès de 1297 jeunes Québécois de 10 à 16 ans.

«Les jeunes aujourd'hui sont très actifs. Ils fréquentent abondamment les espaces verts», dit Gilles Pronovost, professeur émérite au département d'études en loisir de l'Université du Québec à Trois-Rivières, qui a analysé les résultats du sondage. «C'est clair qu'il y a plus de jeunes obèses aujourd'hui, mais il ne faut pas exagérer la situation. Nos jeunes ne sont pas les derniers de la Terre!»

Surprenant

Quoi qu'il en soit, le résultat de ce sondage a de quoi surprendre. «Oui, ça m'a surpris», avoue Christian Payeur, directeur général de la fondation Monique Fitz-Back pour l'éducation au développement durable, qui organise, de concert avec l'Association québécoise pour la promotion de l'éducation relative à l'environnement et les Établissements verts Brundtland, un colloque sur la question jeudi et vendredi. «Cela veut dire que l'état de la situation n'est pas catastrophique.»

Mais elle n'est pas forcément rose non plus, nuance-t-il. «Ce qui m'inquiète, c'est qu'il y a un noyau de 30% des adolescents qui ne vont pas, ou peu, dans la nature. Et c'est un cercle vicieux: ceux qui ont le moins de rapports avec la nature sont ceux qui se sentent le moins en santé, qui ont la plus faible estime d'eux-mêmes, qui réussissent le moins bien à l'école et qui sont le moins engagés face à l'environnement.»

Ce rapport (qui n'est pas un lien de cause à effet, mais une simple corrélation) est d'ailleurs «très, très clair, reprend Gilles Pronovost. C'est une relation très forte». Inversement, ceux qui sont les plus verts ont tendance à faire plus d'activités en plein air, ont des parents également plus actifs et, surtout, un «rapport à l'école plus positif», dit-il.

Pas grâce à l'école...

Qui les encourage à faire des activités en plein air? Leurs parents, justement, répondent presque tous les jeunes sondés (84%). L'école joue d'ailleurs un rôle quasi nul: à peine 13% des élèves affirment que l'on parle souvent de la nature à l'école, et seuls 16% d'entre eux disent que les adultes à l'école les encouragent à faire des activités en plein air. Résultat: la majorité (59%) des adolescents croient que l'école devrait proposer des activités en plein air plus souvent. Un jugement «dévastateur face à l'école», estime Gilles Pronovost.

Quelles sont les activités de plein air qu'ils pratiquent régulièrement? Principalement le vélo, la baignade et le ski. À noter, les activités extérieures se font essentiellement avec des amis (à 83%).

C'est aussi surtout pour avoir du plaisir (à 84%) que les jeunes vont dehors, et non pour se «rapprocher de la nature» ou pour la «contempler», des réponses qui ne récoltent que 30% et 24% des votes. Gilles Pronovost estime que ces réponses sont révélatrices du type de rapport qu'ont les jeunes avec la nature: il n'est pas aussi déconnecté qu'on ne croit, il est tout simplement différent de celui des adultes. «Il faudrait arrêter d'avoir une vision adulte (des jeunes et de leur rapport à la nature). L'admiration, l'émerveillement, l'observation des oiseaux, c'est une vision adulte du rapport à la nature. Les jeunes, eux, ont une vision beaucoup plus ludique.»

Enfin, comme triste conséquence de tout ce temps passé dehors, les jeunes les plus actifs sont aussi les plus pressés par le temps: 68% des répondants se disent tendus par le temps, un chiffre qui est en deçà de 30% chez les jeunes qui ne font pas d'activités en plein air, et dépasse les 70% chez ceux qui en font au contraire régulièrement. C'est «le prix à payer» pour s'adonner régulièrement à des activités de plein air, conclut Gilles Pronovost. «Pour manquer de temps, il faut être actif...»