Les unions des jeunes parents se font et se défont à la vitesse grand V. À peine à la maternelle, plus d'un enfant sur quatre a déjà vu ses parents se séparer ou reformer une union, 15% des enfants ont connu au moins deux épisodes du genre et 5% en ont vécu jusqu'à trois.

C'est du moins ce que révèle l'analyse Diversité et mouvance familiales durant la petite enfance, rendue publique hier par l'Institut de la statistique du Québec.

Ces résultats s'appuient sur les données de l'Étude longitudinale du développement des enfants du Québec, menée auprès d'un échantillon représentatif des enfants nés au Québec à la fin des années 90. Environ 1500 enfants ont fait l'objet d'un suivi de la naissance à l'âge de 6 ans.

Entre autres observations, on note que, à la maternelle, près de 30% des enfants ont déjà vécu dans une famille monoparentale, et 13% ont vécu avec un beau-parent. L'expérience monoparentale est parfois très courte, à peine 7 mois chez les hommes, 16 chez les femmes. Et c'est sans compter le nombre de parents qui ont un conjoint dit «non cohabitant». «Certaines situations témoignent de la rapidité avec laquelle les unions des parents se font et se défont», écrit Hélène Desrosiers, auteure principale de l'analyse et coordonnatrice à l'Institut de la statistique du Québec.

C'est le cas de Nancy Croussette, mère de trois enfants. Elle s'est séparée de son «conjoint de fait de 10 ans» alors que ses enfants avaient 3, 4 et 6 ans. Depuis, elle a fait quelques rencontres, certaines plus significatives que d'autres. «C'est compliqué. Peut-être deux significatives. Mais je ne sais pas si les enfants en sont conscients.» Ses relations avec le père? «Pas mauvaises, mais ça pourrait être mieux», résume-t-elle. Et son cas n'a rien d'extraordinaire.

Ainsi, pour ce qui est des modes de garde au moment de la séparation, 66% des enfants vivent avec leur mère, 31% sont en garde partagée et à peine 3% vivent avec leur père. À la maternelle, parmi les enfants dont les parents sont séparés, un enfant sur cinq ne voit carrément jamais son père. D'ailleurs, 12% des mères ont déclaré que leur relation avec leur ex-conjoint était mauvaise ou très mauvaise.

C'est d'ailleurs ce qui fait bondir Élise Mercier-Gouin, psychologue au centre jeunesse de Montréal. «Ce qui me préoccupe, c'est quand j'entends que 20% des enfants ne voient plus leur père. Si un enfant perd un parent, il perd un des éléments de protection à la base de son développement personnel», dit-elle.

Mais ce n'est pas parce que les parents sont encore ensemble que le portrait est plus rose. L'étude révèle en effet que 25% des enfants de maternelle ont au moins un parent qui éprouve des difficultés conjugales importantes.

D'où l'intérêt de l'étude, conclut l'auteure, qui dresse un portrait tout en nuances de la vie de famille. «Moi, je suis partisane des nuances, explique Hélène Desrosiers. Certaines études tendent à banaliser l'impact des ruptures, mais elles ne regardent pas l'impact du cumul des ruptures. D'autres dramatisent. Or, il faut tenir compte de tout le contexte pour en évaluer l'impact sur les enfants.»

Elle compte d'ailleurs se pencher sur l'impact de ces ruptures non seulement précoces, mais aussi multiples, sur le développement des enfants. À suivre.