Qu'elles travaillent à temps plein ou demeurent au foyer, les mères font face à leur lot de défis, de bonheurs et de fiertés. Dix mères de tous les horizons se racontent.

La mère qui se cherche

«Je travaille à temps plein, mais je rêve d'être à la maison»

Virginie Bernier, 29 ans, mère de Mariange, 3 ans

Sa maternité: «Pour moi, être mère, ça a changé ma vie. Je vois ça comme un projet qui dépasse ma petite personne sur Terre. Et c'est pour ça que je veux y consacrer mon temps et mon énergie. (...) Mais si je travaille à temps plein, c'est parce que c'est la voie toute tracée. Aujourd'hui, en tant que filles, toutes les portes nous sont ouvertes. Et c'est comme si on n'avait pas le choix de prendre ces portes: les études, la carrière, les promotions. Il y a une grande pression sociale de performance. Et cela devient un très grand tourbillon, dans lequel on oublie beaucoup nos vraies valeurs.»

Elle assume: «En fait, je ne m'assume pas vraiment. (...) Je me questionne beaucoup sur l'égalité des hommes et des femmes, en 2011. On est partis d'un extrême, où les femmes n'avaient aucun droit, à l'autre, où toutes les portes nous sont ouvertes. Mais la partie maternité a été un peu évacuée dans tout ça.»

Sa plus grande fierté: «Ma fille. Il n'y a absolument rien d'autre qui me vient en tête.»

Photo: Alain Roberge, La Presse

Virginie Bernier, 29 ans, mère de Mariange, 3 ans

La mère grano

«J'ai un blogue, je mange bio, local, j'ai allaité longtemps, et mes enfants sont encore à la maison»

Michèle Grégoire, 30 ans, mère de Naël, 2 ans, et Éloi, 4 ans

Sa maternité: «Je travaille de la maison. Ma mère, mon amoureux et moi, on est tous les trois massothérapeutes. Alors on est parents à temps partiel, et travailleurs à temps partiel. C'est notre philosophie: on ne veut pas travailler pour vivre. On travaille peu, pour combler nos besoins de base. Nos dépenses sont peu élevées et nos garçons ne vont à la garderie que deux jours par semaine. On fait du parentage de proximité. J'allaite encore mon dernier. (...) Je ne pense pas que ma façon d'être avec mes enfants soit meilleure que celle des autres, mais je fais des choix avec mon coeur, au meilleur de mes connaissances.»

Elle assume: «On assume en s'informant au maximum (sur l'alimentation bio, les accouchements à domicile, etc.).»

Sa plus grande fierté: «L'écoute. L'écoute que j'arrive à avoir face à moi-même, mon amoureux, mes enfants, et la pression sociale en général.»

Photo: Stéphanie Mantha, La Voix de l'Est

Michèle Grégoire, 30 ans, mère de Naël, 2 ans, et Éloi, 4 ans.

La mère orpheline

«Je revendique mon identité de mère et je déplore le tabou que je perçois sur le sujet»

Catherine Joubert, 31 ans, a perdu cet automne son bébé Francis, à 22 semaines de grossesse

Sa maternité: «J'ai un frère de 29 ans, lourdement handicapé, atteint d'un syndrome inconnu, placé dans un établissement depuis qu'il a 1 an. Il n'a jamais appris à manger, à marcher. C'est la tragédie de ma famille. Quand je suis tombée enceinte, à mon amniocentèse, on a découvert que mon bébé était atteint du même handicap que mon frère. Ça a été le cauchemar. Et j'ai pris la décision, une décision qui n'en était pas une, de mettre fin à ma grossesse.»

Elle assume: «Ma maternité, je dois la revendiquer. Parce que ça ne paraît pas que je suis mère. Si j'en parle, c'est pour que le passé ne tombe pas dans l'oubli. Pour ne pas laisser le silence, le tabou, s'imposer. C'est le secret qui est malsain. Mon petit bébé, je l'ai senti dans mon ventre, je l'ai accouché!»

Sa plus grande fierté: «Mon accouchement. C'est très fort, un accouchement, dans la vie d'une femme. J'ai accouché sans anesthésie, au naturel. J'ai senti la tête de mon bébé dans le col de l'utérus, j'ai vécu tout ça dans la tristesse, tout en m'émerveillant de la puissance du corps. Ça a l'air fou, hein? Malgré toute l'horreur de la situation, je suis très fière de la façon dont mon accouchement s'est déroulé.»

Photo: Alain Roberge, La Presse

Catherine Joubert, 31 an, a perdu cet automne son bébé Françis à 22 semaines de grossesse.

La mère étudiante

«C'est l'équilibre parfait. Mes études me stimulent intellectuellement, et je peux être présente pour ma fille.»

Caroline Poudrier, 28 ans, mère de Philomène, 3 ans

Sa maternité: «Je voulais avoir des enfants jeune, pour ne pas être dans un monde complètement déconnecté du leur. Et puis j'ai eu ma fille pendant ma maîtrise (en linguistique). C'était idéal. Je n'avais pas de cours, j'étais à la maison, et en même temps, je pouvais sortir et faire des activités avec elle, puisque je n'avais pas d'horaire fixe. Pour moi, être aux études, c'est parfait!»

Elle assume: «C'est sûr que j'ai mis plus de temps pour faire ma maîtrise. Et puis je ne sais pas encore ce qu'il va y avoir au bout. Mais je ne suis pas pressée d'avoir une maison, une voiture. On va voir où tout ça va nous mener.»

Sa plus grande fierté: «Ma fille, qui est très éveillée. Et puis d'avoir fini ma maîtrise, c'est aussi ma fierté!»

Photo: Marco Campanozzi, La Presse

Caroline Poudrier, 28 ans, mère de Philomène, 3 ans

La maman entrepreneure

«Depuis que mon fils est né, mes intérêts professionnels ont complètement changé»

Jolène Richer, 29 ans, mère de Charles, 20 mois

Sa maternité: «Avant d'avoir mon fils, je travaillais en publicité. Pendant ma grossesse, j'ai beaucoup lu sur l'accouchement, l'accompagnement à la naissance, ça m'a ouvert les yeux sur plein de choses. Je ne me voyais plus du tout retourner dans mon emploi de 9 à 5. J'ai eu le goût de quelque chose de plus stimulant. Je voulais aider les femmes enceintes et m'investir à fond là-dedans. Oui, j'étais bien à la maison avec mon garçon, mais ça me prenait quelque chose de plus pour me réaliser comme personne. Alors j'ai suivi une formation d'accompagnement à la naissance et je me suis lancée dans la création de faire-part de naissance. Je vais même ouvrir une boutique!»

Elle assume: «Les grands-parents sont très disponibles, je travaille le soir, ou quand mon fils fait la sieste. Et je suis à la maison avec lui le jour!»

Sa plus grande fierté: «Je crois beaucoup en ce que je fais, au service que j'offre, et en même temps, je suis là pour mon petit garçon. Ça n'a pas de prix!»

Photo: Marco Campanozzi, La Presse

Jolène Richer, 29 ans, mère de Charles, 20 mois.

La mère adolescente

«C'est arrivé par hasard. Et rapidement, j'ai dû faire face aux préjugés.»

Christine Labrie, 23 ans, mère d'Ulysse, 3 ans, et Samuel, 8 mois

Sa maternité: «Je suis tombée enceinte à 19 ans. Non, ça n'était pas planifié. Mais ça faisait quelques années que j'étais en couple et on voulait un jour des enfants. Rapidement, toutefois, j'ai dû faire face aux préjugés. (...) Dans l'autobus, les gens me regardaient comme une irresponsable. On m'a souvent demandé si j'étais encore avec le père. (...) Des inconnus me demandaient si c'était prévu!»

Elle assume: «Pourtant, au quotidien, je ne trouve pas ça difficile, avoir des enfants. Je suis au bac en enseignement et mon conjoint est à la maîtrise. C'est sûr que c'est dur de garder des amis de notre âge (!), mais je n'ose pas imaginer ce que ce serait si je passais huit heures par jour au travail. Être mère, je trouve que ça se marie bien avec le fait d'être aux études.»

Sa plus grande fierté: «Réussir! Malgré tout ce que les gens pensaient. En plus, de nous voir aux études, je crois que ça valorise vraiment l'éducation auprès de nos enfants. Mon aîné a très hâte d'aller à l'école. De faire des devoirs. Pour lui, c'est l'idéal de vie à atteindre, aller à l'école.»

La mère sur le tard

«J'ai rencontré mon conjoint à la mi-trentaine. Je voulais prendre le temps de le connaître.»

Nathalie Jourdain, 41 ans, mère de Noah, 2 ans

Sa maternité: «Je suis tombée enceinte rapidement, sans difficulté. Pourtant, j'étais persuadée que j'allais avoir des problèmes de fertilité, des fausses couches, mais rien de tout ça n'est arrivé. Aujourd'hui, je dirais que cela fait de moi une mère très patiente, j'ai peut-être plus de recul, je sais que tout ne durera pas. Oui, je suis une mère fatiguée, je travaille à temps plein comme la plupart des mamans, mais j'ai de l'expérience.»

Elle assume: «Je n'encouragerais jamais une femme à attendre délibérément avant d'avoir un enfant. Mais si, pour une raison ou une autre, elle n'en a pas eu plus jeune, il ne faut pas en faire tout un plat. Aujourd'hui, les femmes de 40 ans sont en santé et énergiques.»

Sa plus grande fierté: «Moi, je suis fière d'avoir eu un enfant à 39 ans. Ça ne fait pas de moi une meilleure mère. Il y a des bons et des mauvais côtés, peu importe l'âge. Mais je crois que ça me donne une patience, un vécu, et une stabilité professionnelle et de couple.»

Photo: André Pichette, La Presse

Nathalie Jourdain, 41 ans, mère de Noah, 2 ans.

La mère au foyer

«C'est une qualité de vie qu'on se paie.»

Julie Bouliane, 33 ans, mère de quatre enfants

Sa maternité: «Je suis à la maison depuis la naissance de mon deuxième. On a eu la frousse de notre vie. À 30 heures de vie, on a appris qu'il avait une malformation cardiaque. Il a fallu l'opérer à coeur ouvert. Il a failli mourir. Alors on est devenus plus protecteurs et j'ai décidé de rester au foyer. Je n'aimais pas mon emploi, alors ça n'a pas été très compliqué. Et puis deux ans plus tard, j'ai eu des jumelles. À quatre enfants, on ne s'est même pas posé la question: je restais à la maison!»

Elle assume: «Il y en a qui pensent peut-être que je n'ai pas de vie. Mais moi, c'est ma vie, mes enfants, je suis très bien là-dedans. Ma qualité de vie vaut plus: moi, je n'ai pas à me dépêcher, à courir pour les bains, les devoirs, on a une vie beaucoup moins stressée que toutes mes amies qui travaillent.»

Sa plus grande fierté? «Mes enfants! C'est moi qui les vois grandir, moi qui les élève, je me sens très privilégiée. Je suis très fière de mon cheminement en tant que maman.»

Julie Bouliane, 33 ans, mère  Jeff, 14 ans, William 4 1/2, et les jumelles Gabrielle et Mérédith, 2 ans.

La mère seule

«Je suis veuve, officiellement. Mon conjoint s'est suicidé. Cela fait sept ans.»

Kathleen Manseau, 37 ans, mère de Chelsea, 7 ans, et Shawn, 12 ans

Sa maternité: «Mon fils avait 5 ans, ma fille, 6 mois. C'est nous qui l'avons trouvé. Et ma vie est un combat depuis. Chaque jour, je me lève et j'aide mes enfants à vivre leur deuil. Je ne suis pas plus héroïne que la mère seule dont le papa est parti sans laisser d'adresse. Il faut apprendre à composer avec notre propre peine. On n'a pas le choix. C'est un deuil assez dur à gérer, parce qu'il ne faut pas que maman s'écroule. Il faut se tenir droit à travers la tempête.»

Elle assume: «J'ai consulté, au besoin. Il faut comprendre qu'on n'est pas infaillible. On a le droit de trouver ça dur. On a le droit à l'erreur. On a le droit de tomber, et de se relever. Je ne suis pas une superwoman. Je n'ai pas passé par-dessus, mais j'ai appris à vivre avec. Le plus dur, c'est le regard de la société. Le suicide, c'est encore tabou. Toute ma vie, je vais devoir expliquer...»

Sa plus grande fierté? «D'être arrivée à rendre mes enfants heureux. C'est pour eux que je me bats.»

Photo: Maxime Picard

Kathleen Manseau, 37 ans, mère de Chelsea, 7 ans, et Shawn, 12 ans.

La superwoman

«Je ne me suis jamais questionnée: j'ai fait des études, c'est sûr que je vais travailler.»

Julie Larochelle, 42 ans, mère de deux enfants, Béatrice, 11 ans, et Xavier, 13 ans

Sa maternité: «J'ai fait des études, j'ai investi temps et énergie là-dedans, alors je ne me suis jamais interrogée. C'était sûr que j'allais être une maman qui travaille. Et je n'ai jamais regretté mon choix. C'est drôle, hein? C'est sûr qu'il y a des moments où les enfants ont besoin de nous, et je suis au travail, et je me demande ce que je fais là. Mais sinon, je trouve que ça va assez bien. Je suis une fille assez organisée. Je fais du sport pour conserver mon énergie.»

Elle assume: «C'est sûr que je ne suis pas à la maison à 15 h, quand l'école finit. Mais j'essaie d'être sensible aux émotions et aux petits pépins de mes enfants. Dans la société, je vois des filles qui font comme moi. Des filles qui ont des enfants et qui travaillent. Parfois, je me dis: mais qu'est-ce que je fais là? Mais, en même temps, on est en 2011, j'ai des projets, je veux ci, je veux ça, alors oui, il faut faire des concessions.»

Sa plus grande fierté? «Mes enfants, c'est sûr! Ils sont tellement brillants, en santé en plus. Je suis vraiment chanceuse. Alors je leur dis merci!»

Photo: Marco Campanozzi, La Presse

Julie Larochelle, 42 ans, mère de Béatrice, 11 ans, et Xavier, 13 ans.