«Je me prive de boire du lait pour en donner à mes enfants», dit Patricia Brown, de Pointe Saint-Charles, son dernier-né de 4 mois sur les genoux. «À presque 7$ pour quatre litres, c'est trop cher.» Seule exception: pendant ses quatre grossesses, Mme Brown a pu consommer tout le lait qu'il lui fallait.

C'est grâce à la Fondation OLO, qui remet gratuitement aux femmes enceintes sous le seuil de faible revenu des oeufs, du lait et du jus d'orange (OLO). «J'ai été choyée, témoigne la mère, en couvant des yeux son petit Léo Patrick. Ça donne de beaux enfants!»

Faute de ressources suffisantes, OLO n'arrive pas à aider toutes les femmes enceintes dans le besoin. Le problème est particulièrement criant à Montréal, où 50% des responsables d'OLO dans les CLSC ne sont «pas en mesure de répondre à toute la clientèle admissible», selon une évaluation récente. Dans l'ensemble du Québec, 12,7% des responsables sont dans cette situation crève-coeur.

«À Montréal, c'est plus qu'un enfant de 0 à 5 ans sur trois qui vit sous le seuil de faible revenu, indique Élise Boyer, directrice générale d'OLO. Les besoins sont tellement grands que les établissements doivent cibler l'extrême vulnérabilité, à l'intérieur de la vulnérabilité.»

Hausse des demandes à Montréal-Nord

C'est le cas du CLSC de Montréal-Nord, où de plus en plus de familles ayant immigré récemment s'installent, avec un budget serré. À cause d'un fort volume de demandes au cours de l'automne, ce CLSC a dû se résoudre à n'offrir de l'aide alimentaire aux femmes enceintes pauvres qu'à partir de leur 20e semaine de grossesse. Huit semaines plus tard que prévu.

D'autres critères de sélection ont été ajoutés, si bien qu'on a donné la priorité aux futures mères sans diplôme, sans réseau social adéquat, particulièrement jeunes ou âgées ou en mauvaise santé. «Un bon nombre de femmes enceintes ont été refusées», dit Karine Timmons, coordonnatrice d'OLO au CLSC de Montréal-Nord.

Un peu partout au Québec, avoir obtenu un diplôme secondaire élimine la chance d'avoir droit aux oeufs, au lait et au jus d'orange, ce que Mme Boyer regrette. «Notre premier objectif, c'est que l'enfant naisse avec un poids santé et à terme, souligne-t-elle. Le fait que la maman ait terminé sa 5e secondaire, ça lui donne plus de chances de s'en sortir à long terme. Mais elle est enceinte maintenant, le poids du bébé se joue maintenant, et c'est maintenant qu'elle n'a pas d'argent.»

Après la naissance

Au total, des aliments d'une valeur de 2,5 millions par an sont donnés à quelque 13 000 femmes enceintes pauvres par l'entremise d'OLO. C'est payé par la Fondation OLO et le Programme canadien de nutrition prénatale, tandis que la Fondation Marcelle et Jean Coutu fournit des vitamines prénatales.

Mais il en faudrait plus, surtout qu'OLO veut étendre son action à la période postnatale. L'évaluation récente a révélé que 72% des responsables d'OLO poursuivent la distribution d'aide alimentaire après l'accouchement, même si ce n'est pas prévu. «Les gens des établissements ne veulent pas rompre le lien, explique Mme Boyer. Ils veulent soutenir l'allaitement.»

Patricia Brown a reçu les oeufs, le lait et le jus d'orange jusqu'à un mois et demi après la naissance de son dernier. «Ça m'a beaucoup aidée, souligne-t-elle. C'est le seul de mes enfants que j'ai réussi à allaiter. C'est ma joie, comme mère.»