Mise en garde: on parle ici du père Noël... et de ses secrets.

Il y a des sujets comme ça qui ont le don de soulever les passions. Et ces jours-ci, le personnage qui fait grimper aux rideaux bien des parents n'est nul autre que... le père Noël!

Il suffit de jeter un coup d'oeil du côté des forums de parents sur l'internet pour en être convaincu: tout le monde a un avis sur la question. Et cet avis est rarement modéré. Adeptes de la fête et de la magie d'un côté, et sceptiques réalistes de l'autre, déchirent leur chemise en public.

Parce que visiblement, le sujet n'est pas à prendre à la légère. Récemment, une animatrice de télévision américaine l'a appris à ses dépens. En plein téléjournal, à 21h, sur les ondes de Fox News, elle a osé donner un conseil pragmatique aux parents: pourquoi diable continuez-vous de perpétuer ce mythe? Le tollé soulevé par son commentaire - qui ne laissait aucun espace à l'interprétation, mettons -, l'a obligé, le lendemain, à faire des excuses publiques.

La même semaine, une enseignante de deuxième année a fait les manchettes (!) dans l'État de New York, pour avoir, toujours sur le même sujet, osé démystifier certains grands secrets de Noël à ses élèves. Re-tollé. Bilan, elle a dû téléphoner ensuite à chaque famille, individuellement, pour s'excuser. Alors, la question se pose: les parents vont-ils ici trop loin, ou existe-t-il une responsabilité sociale dictant une certaine retenue?

Nathalie Parent est psychologue, spécialiste de la famille et auteure de La famille et les parents d'aujourd'hui. Quoiqu'elle s'étonne des proportions qu'a pu prendre ici le débat («On ne parle quand même pas d'euthanasie!»), oui, dit-elle, il existe une «conscience collective» appelant à la transmission de ce «doux mensonge». «Je pense que oui. Très tôt, dès le mois de novembre, le père Noël apparaît dans les magasins. Or, si on veut appartenir à la société, on doit embarquer. Mais de là à en faire un débat public...», nuance-t-elle.

Selon elle, le père Noël fait aussi partie intégrante d'un mythe, un rituel, caractéristique de notre société. Et pourquoi devrait-on se priver, et priver les enfants de cette magie, d'autant plus qu'elle comporte toutes sortes de bénéfices, notamment en ce qui a trait au développement de l'imaginaire de l'enfant?

Quand le jeune enfant s'interroge, il suffit de lui renvoyer la question, suggère-t-elle, pour alimenter, toujours, son imagination. Puis, quand il dépasse le stade de la pensée dite «magique» (vers 7-8 ans), entrant dans la pensée plus «concrète», et que ses questions deviennent alors plus insistantes, le parent peut donner à son tour de «vraies réponses», toujours en insistant sur le côté plaisant de la magie, une magie à garder bien vivante, il va sans dire, notamment pour la fratrie.

Vrai, tout cela est plus facile à dire, à écrire, qu'à faire. Notamment pour les parents...

«Nous, les adultes, on a peut-être aussi de la difficulté à faire le deuil du père Noël, conclut-elle. Parce qu'on aime revivre notre enfance à travers nos enfants. Mais ça n'est pas nécessairement mauvais de revivre notre enfance non plus, dit-elle. On a tous besoin de s'accrocher à quelque chose! Dans une société où il n'y a presque plus d'ancrage, certains vivent un manque. Et cela peut expliquer le besoin de s'accrocher au père Noël...»

Et finalement, pourquoi pas?

À méditer, avant de se lancer gaiement dans toutes les festivités!