C'était une idée du tonnerre. Un projet fou à rendre jaloux tous les journalistes qui s'intéressent à l'alimentation. Parcourir les cuisines du monde pour voir ce que les gens mangent une semaine durant et le documenter sur photos.

Peter Menzel et Faith D'Aluiso l'ont fait et le résultat est percutant dans Hungry Planet: What the World Eats.

 

Au départ, il y avait un souci de santé publique. «Nous voyageons beaucoup, explique Faith D'Aluiso. Et chaque fois que nous rentrions, les gens étaient de plus en plus gros.» La maison, pour le couple de globe-trotters, est bien sûr les États-Unis. La Californie, pour être plus précis. Durant trois ans, ils ont donc visité des gens, statistiquement moyens. Des gens qui représentent bien leurs pays respectifs. Faith faisait les entrevues. Avec tous les membres de la famille, séparément. C'est ce qui a évité les tricheries. Aux États-Unis, la maman aurait peut-être voulu ajouter quelques fruits et enlever quelques pizzas à son menu. Au Tchad, elle aurait certainement voulu en mettre plus sur la table. Une fois la liste dressée, le couple se procurait toutes les denrées et la famille prenait la pose. Plusieurs participants ont eu le vertige durant cet étalement au grand jour de leurs habitudes alimentaires. Les Revis de Caroline-du-Nord ont d'ailleurs amélioré leurs habitudes alimentaires depuis. «C'est aux États-Unis que les gens dépensent le plus pour leurs aliments et c'est aussi ici que l'on dépense le plus pour les soins de santé», note Peter Menzel, joint cette semaine à son studio de Napa Valley.

La famille Revis dépense un peu plus de 340$ par semaine pour son épicerie. La famille Dong de Chine réduit la note de plus de la moitié. La famille Ayme de l'Équateur dépense chaque semaine une trentaine de dollars pour nourrir ses sept enfants. Au Tchad, la famille Aboubakar a moins de deux dollars à consacrer à l'alimentation hebdomadaire.

Parmi les photos les plus surprenantes, cette famille mexicaine qui nous présente une table de fruits frais. Des melons, des goyaves, des bananes, des limes, des ananas. En arrière-plan, une armée de bouteilles de cola, format familial. Les Mexicains sont les plus grands consommateurs de boissons gazeuses du monde. La statistique est connue, mais de le voir de visu est plutôt troublant. «Les Mexicains manquent cruellement d'information sur la nutrition, explique Faith D'Aluiso. Et lorsqu'un aliment nouveau arrive sur le marché, ils ne se posent pas de questions. Ils croient tout bonnement que c'est bon pour eux.»

Du Groenland, la famille Madsen fait une éloquente démonstration de la globalisation du garde-manger avec de la viande d'ours polaire et une boîte de croustilles Pringles sur la même table.

Les photos sont à la fois informatives et émouvantes. Elles racontent le pays, et le monde, d'un coup d'oeil.

Vous les avez certainement déjà vues. Dans le Time ou dans le courriel qu'un ami vous a envoyé.

Elles sont maintenant ici à Montréal. L'exposition Régime planétaire est présentée au Centre des sciences du Vieux-Montréal jusqu'au 3 mai. Une petite partie du projet seulement, mais assez pour saisir l'ampleur de la mondialisation de l'alimentation et, en même temps, de la détresse alimentaire qui existe encore sur cette planète.