Le cas de Saint-Pierre-les-Becquets est loin d'être unique. Il y a environ 70 coopératives d'alimentation au Québec et elles risquent de se multiplier dans les années à venir, à mesure que les épiciers des villages prennent leur retraite.

«C'est une avenue très intéressante pour les petites villes du Québec», estime Claude Savard, de la Fédération des coopératives d'alimentation du Québec, qui compte de plus en plus de membres.

Parmi les villages qui se tournent vers les coopératives pour remplacer l'épicerie, il n'y a pas de cas type. Certains sont très prospères et, à l'inverse, d'autres sont des municipalités dévitalisées au taux de croissance négatif et où l'on ne trouve que peu d'emplois. Ils ont toutefois une chose en commun : l'épicerie est à vendre depuis des années, mais ne trouve pas d'acheteur.

«Les marges bénéficiaires sont très minces dans l'alimentation», explique Claude Savard. Les entrepreneurs intéressés ont souvent peu de moyens, car ceux qui en ont préfèrent investir dans une aventure plus rentable. «La jeune génération n'est pas intéressée parce que ce sont des commerces qui demandent beaucoup d'heures de travail», précise-t-il.

L'unique épicerie

Un autre élément est souvent à l'origine de la mobilisation des citoyens. L'épicerie menacée de fermeture est l'unique commerce alimentaire du coin. Sans ce marché, les villageois devraient parcourir des dizaines de kilomètres pour acheter leur pain et leur beurre.

C'était le cas à Rivière-à-Pierre, où les dépanneurs étaient les seuls commerces d'alimentation, ce qui faisait monter la note et limitait beaucoup le choix pour le souper. Pour faire une épicerie complète, les citoyens devaient se rendre à Saint-Raymond-de-Portneuf, à 35 km de là. «Aller-retour, ça donne 70 km. Si tu fais ton épicerie le mercredi et que c'est la seule journée où il fait beau, tu viens de la perdre !» lance René Mainguy, président de la nouvelle coopérative alimentaire de Rivière-à-Pierre. Car depuis trois semaines, le village de 300 foyers a un nouveau petit marché, coopératif. Il compte 325 membres, puisque les résidants saisonniers ont aussi été sollicités.

Une fois la coopérative ouverte, les membres ont évidemment tout intérêt à la fréquenter. Le sentiment d'appartenance et de fierté est très fort quand on sauve son marché, explique Claude Savard. Plus fort que les ristournes, qui ne viennent pas toujours. «Moi, lorsque j'assiste à des réunions de coopérative, je dis aux gens que les ristournes, c'est cette épicerie qui fait vivre le coeur du village», dit Claude Savard.

Mais il y a aussi des cas de réussites commerciales. Par exemple, Saint-Adelphe, en Mauricie, vient de célébrer le premier anniversaire de sa coopérative. Là où il n'y avait plus qu'un dépanneur se trouve maintenant un marché d'alimentation, une boucherie, une quincaillerie, un comptoir SAQ, un club vidéo, un poste d'essence et même un petit comptoir de fleurs.

C'est un peu le retour du magasin général et ça fonctionne si bien que Saint-Adelphe attire les gens des paroisses voisines, qui voudraient bien reproduire le modèle, explique Louis-Marc Trudel, administrateur à La Coop du coin. Les gens se sont certainement mis à acheter des fleurs et à louer des films puisque, après une année de fonctionnement, la coopérative dépasse de 20 % ses prévisions budgétaires.