Michèle est séparée depuis maintenant trois ans. Elle a deux enfants, Justin (sept ans) et Simon (quatre ans), qui ont vécu la séparation relativement bien. Le plus jeune était un peu angoissé au début, mais les deux parents ont tout fait ce qui était en leur pouvoir pour lui apporter une certaine stabilité malgré tous les changements apportés par la séparation. Par exemple, il a été convenu que Michèle conserverait la maison familiale et que Marc, son ex-conjoint, déménagerait dans le même voisinage. Ainsi, les enfants ont pu continuer de vivre dans la même maison et peuvent voir leurs amis lorsqu'ils sont chez leur père.

Rapidement, les parents se sont entendus sur l'établissement d'une garde partagée qui demeure stable depuis maintenant deux ans et demi. Aussi, Marc et Michèle se parlent régulièrement afin de tenter de faire respecter sensiblement les mêmes règles dans les deux milieux. Franchement, s'ils n'ont pas réussi à faire survivre leur couple, ils réussissent tout de même très bien à respecter les besoins de leurs enfants dans cette situation de transition familiale!

Voilà que Michèle vient de rencontrer un amoureux, ce qui la rend très souriante ces jours-ci. Il n'est pas encore question de cohabitation, mais elle se demande s'il est temps de le présenter aux enfants et si oui, comment le présenter à ses enfants? Plusieurs de ses amies la rassurent en lui disant que ses enfants semblent avoir une bonne capacité d'adaptation, mais Michèle ne veut pas banaliser les effets possibles de ce nouveau changement dans leur vie.

Elle s'inquiète particulièrement pour Justin, qui, en peu de temps, a vécu l'arrivée de son petit frère et la séparation de ses parents, à un âge assez vieux pour en être conscient, contrairement à Simon. Son nouveau chum a beau la rendre très heureuse, il reste que le choix de cet homme est SA décision et que ses enfants, eux, doivent la subir. Elle ne veut pas se priver de refaire sa vie, mais elle veut le faire en toute délicatesse, par respect pour ses enfants, qui ne contrôlent pas grand-chose dans toutes ces transitions.

Dans une vie, un individu peut vivre de nombreuses transitions familiales. Dans sa jeunesse, il peut vivre l'arrivée d'un frère ou d'une soeur, la séparation de ses parents, la réalité d'une famille recomposée et, enfin, le départ de la maison familiale, une fois devenu adulte.

Ensuite, le jeune adulte s'établira, souvent en appartement, seul ou avec un coloc. Ensuite, il quittera son coloc ou sa vie en solitaire pour s'établir en couple. Enfin, vient souvent l'achat d'une propriété, le premier enfant, le deuxième enfant, et, selon les statistiques, une fois sur deux, le couple se séparera et chacun devra alors s'adapter à la vie de parent monoparental. Enfin, après à la séparation, la rencontre d'un nouveau conjoint pourrait donner suite à une nouvelle transition familiale : la famille recomposée.

Entendons-nous bien : ce n'est pas tout le monde qui vit toutes ces transitions, et ce n'est pas tout le monde qui les vit dans cet ordre, mais j'ai voulu faire une liste des différentes transitions possibles afin de vous parler de la grande différence entre les transitions vécues durant l'enfance et l'adolescence, et celles vécues à l'âge adulte. Cette différence réside surtout dans le niveau de maturité de l'individu, sa responsabilité par rapport aux transitions et son sentiment de contrôle sur sa vie.

Je m'explique : quand un enfant vit l'arrivée d'un nouvel enfant dans la famille, la séparation de ses parents ou une recomposition familiale, il n'a pas choisi cette transition, il la subit.

Quand on part de chez ses parents, qu'on choisit un coloc, qu'on tombe amoureux, qu'on fait un enfant, qu'on se sépare, qu'on retombe amoureux, on a souvent pris la décision soi-même. Certains sont probablement en train de se dire que j'oublie ceux qui se sont fait laisser et qui n'ont pas choisi de se séparer! Mais la plupart du temps, dans une séparation, les deux membres du couple partagent la responsabilité de l'échec de la relation. Le partage de cette responsabilité n'est pas nécessairement 50-50, mais il n'est jamais 0-100. Et, quand on est en partie responsable d'une situation, on a le pouvoir d'analyser nos erreurs afin de ne pas les répéter.

Je ne dis pas que ces transitions sont faciles pour les adultes. Une séparation vient souvent avec des émotions fortes, comme la colère ou le désespoir. Ceux qui se font laisser peuvent vivre un sentiment de rejet ou une perte d'estime de soi. De plus, une séparation vient souvent avec une baisse de niveau de vie et la nécessité de s'adapter un nouveau rôle : célibataire, père ou mère monoparental...

Quand un enfant vit ces transitions, il n'a rien choisi et il n'est responsable de rien. Cela est aussi vrai pour l'arrivée d'un petit frère ou d'une petite soeur que pour la séparation des parents ou le choix des nouveaux conjoints des parents. Peut-être que certains diront que cela comporte au moins l'avantage de n'être coupable de rien, mais n'oublions pas que l'enfant doit vivre l'inconnu sans pouvoir vraiment prévoir ce qui va se passer, faute d'expérience. Il doit s'en remettre complètement à ses parents pour gérer cette transition, parents qui eux-mêmes doivent jongler avec leurs propres émotions.

Il ne faut pas dramatiser. Bien des gens ont une bonne capacité d'adaptation et obtiennent le soutien de leur entourage, ce qui fait en sorte que ces transitions familiales peuvent se faire relativement en douceur. Mais il ne faut pas non plus banaliser les effets possibles de ces transitions sur les enfants, qui n'ont pas de sentiment de contrôle dans ces situations.

Des solutions pour des changements en douceur

Lorsque des enfants vivent des changements dans la famille, il est important d'être à leur écoute et d'observer leurs comportements qui peuvent parfois traduire leur détresse, détresse qu'ils ne peuvent toujours exprimer verbalement lorsqu'ils sont en bas âge, faute d'avoir un vocabulaire assez élaboré pour exprimer leurs émotions.

Heureusement, lorsqu'on sent que notre enfant est stressé par une récente transition familiale, il existe des solutions. Une des solutions que je trouve particulièrement efficaces est de redonner à l'enfant un sentiment de contrôle par le jeu. Il s'agit d'établir une période quotidienne où l'on s'amuse avec l'enfant en lui laissant la possibilité de diriger le jeu. Cette stratégie agit un peu comme une soupape qui laisse évacuer la pression causée par le stress de la transition familiale. Évidemment, quand les parents sont eux-mêmes très émotifs durant la transition, ils n'ont peut-être pas l'énergie de jouer avec leur enfant. Dans ce cas, la présence d'un autre adulte plus serein et neutre qui est capable d'écouter l'enfant sans porter de jugement devient très importante. Cela peut-être un oncle, une tante, un grand-parent, une marraine, etc., bref, c'est un ensemble d'éléments, tels qu'un peu d'attention, de soutien, un sentiment de contrôle et l'oreille attentive d'un proche qui pourront aider un enfant dont la capacité d'adaptation est mise au défi par une séparation, l'arrivée d'un petit frère ou d'une petite soeur, ou encore un changement vers une famille recomposée.