Timothée est en deuxième année et il s'ennuie en classe... il faut dire qu'il savait déjà lire avant son entrée à la maternelle! Son enseignante s'inquiète, car son rythme d'enseignement, qui est bien adapté à la majorité des élèves, ne correspond pas au rythme d'apprentissage de Timothée.

Elle craint qu'il finisse par prendre l'école en aversion. En fait, il sait lire et écrire depuis qu'il a quatre ans. Ses parents ne voulaient pas le pousser en accélérant son cheminement scolaire, préférant qu'il profite de sa facilité d'apprentissage pour réussir en faisant moins d'efforts et en ayant plus de temps pour les loisirs. Mais force est de constater que le temps en classe lui semble très long... il commence même à déranger ses camarades pour se désennuyer!

L'enseignante lui donne des exercices d'enrichissement ou lui demande d'aider les autres élèves à faire leurs travaux. Cela a fonctionné pendant un certain temps, mais maintenant, il a l'impression d'être puni. Après tout, cela lui donne plus de travail que les autres à faire. On pourrait envisager de lui faire sauter sa deuxième année et de le transférer dans une classe de troisième, pendant que nous sommes encore au début de l'année, mais il est un enfant timide et l'enseignante craint qu'il ait de la difficulté à s'intégrer sur le plan social. Les parents comprennent bien la situation, mais gardent toujours l'attitude de ne pas vouloir trop le pousser à l'école. Ils ne savent donc pas vers quelle solution s'orienter.

On entend beaucoup parler des interventions et des programmes pour les élèves en difficulté d'apprentissage. On discute parfois de leur intégration dans des classes ordinaires, ou encore de prévoir des classes d'adaptation scolaire pour eux. Mais on entend rarement parler des difficultés que peuvent vivre des élèves doués.

Il y en a peut-être même parmi vous qui sont surpris de lire que ces élèves peuvent éprouver des difficultés... C'est un peu comme si on avait tendance à percevoir les doués comme des «riches» qui n'ont besoin d'aucune forme d'aide ou de soutien, et les élèves en difficulté comme des «pauvres» pour qui il faut déployer de nombreux efforts afin de leur donner toutes les chances de réussir comme les autres.

En fait, dans les deux cas, ce sont des élèves pour qui l'apprentissage ne se fait pas de la même façon que pour la moyenne des élèves du même âge. Dans un cas, le rythme d'enseignement sera trop rapide, dans l'autre cas, il sera trop lent. Pour les deux types d'élèves, si on veut qu'ils restent motivés à poursuivre leur cheminement scolaire et à faire des efforts pour réussir, il faut prendre des mesures afin d'adapter l'école à leur façon d'apprendre. Quand on ne prend pas ces mesures, les deux types d'élèves peuvent finir par décrocher. Dans le cas de ceux qui ont des difficultés d'apprentissage, ce sera probablement à cause du découragement et de la perte d'estime de soi occasionnée par les échecs à répétition. Dans le cas des élèves doués, ce sera probablement par lassitude de devoir suivre des cours qui ne les stimulent pas assez. Parfois, leur différence causera également des difficultés sur le plan de l'intégration sociale.

Plus ou plus vite

L'enrichissement est souvent la mesure d'adaptation mise de l'avant pour les élèves qui apprennent plus rapidement que la moyenne. Il existe deux types d'enrichissement : vertical et horizontal.

Lorsque l'on parle d'enrichissement vertical, on parle essentiellement d'accélération. Ainsi, au lieu de faire sa scolarisation au même rythme que ses pairs du même âge, un enfant doué peut, entre autres :

1. Faire une entrée précoce à la maternelle (à quatre ans) ou en première année (à cinq ans);

2. Faire un saut de classe (ex. : passer de la première à la troisième année, sans faire la deuxième);

3. Faire deux années en une (ex. : après avoir terminé sa première année, il fait la deuxième et la troisième année dans une seule année scolaire).

L'enrichissement vertical comporte des avantages, comme celui de pouvoir terminer sa scolarisation et d'avoir accès au monde du travail à un plus jeune âge. Il permet également d'éviter qu'un enfant s'ennuie en classe à cause d'un rythme d'enseignement trop lent pour ses capacités d'apprentissage.

Toutefois, ce n'est pas parce qu'un élève est plus avancé que ses pairs sur le plan cognitif qu'il l'est également sur le plan de la motricité ou de l'adaptation socioaffective. Ainsi, un enfant qui a une très grande capacité d'apprentissage, mais qui est très timide, pourrait éprouver des difficultés à s'intégrer socialement à un groupe de pairs plus âgés que lui, à la suite de son accélération. De même, en étant plus petit que les autres ou en ayant une motricité moins développée, il pourrait être moins bon dans les sports et même se faire ridiculiser pas ses camarades de classe.

Avec l'enrichissement horizontal, l'enfant fait sa scolarisation au même rythme que les autres, mais apprend plus de choses dans une même année. Ainsi, en plus du programme normal, ces élèves peuvent faire un programme sport-études, musique-études ou un programme d'immersion dans une langue seconde. Les enfants qui bénéficient de ce type d'enrichissement terminent leurs études en même temps que leurs pairs du même âge, mais ils auront eu l'occasion de faire des apprentissages plus diversifiés, d'apprendre une deuxième ou une troisième langue, ou de développer un talent en sport ou en musique...

Avant de choisir un de ces types d'enrichissement pour un élève, il est important d'évaluer ses capacités cognitives, motrices et sociales et de considérer le con­texte familial et social dans lequel il vit, afin de prendre la meilleure décision possible, en tenant compte de sa réalité et de son individualité.

Oui, les élèves doués sont peut-être chanceux de pouvoir apprendre beaucoup de choses et rapidement. Mais ils sont tout de même des élèves différents qui peuvent avoir besoin de mesures spéciales.