Les habiletés culinaires des Québécois sont-elles en train de se perdre? Quand ils étaient petits, 80% des parents d'aujourd'hui voyaient un de leurs parents cuisiner le souper tous les soirs. Désormais, ils mangent deux fois moins de repas maison. Heureusement, leurs enfants ont soif d'apprendre: 8 sur 10 aimeraient cuisiner davantage, a appris La Presse. Il reste à trouver le temps de le faire.

Seulement 18% des enfants québécois de 12 ans et moins aident à la préparation des repas au quotidien. Leur intérêt est pourtant grand: 80% aimeraient cuisiner davantage avec leurs parents. C'est ce que révèle la première phase de l'étude Tout le monde à table, chapeautée par les nutritionnistes de l'Université de Montréal, à laquelle ont répondu 2800 enfants - et autant de parents - des mois de septembre à décembre derniers.

Tandis qu'ils rêvent de mettre la main à la pâte, 70% des enfants doivent souvent se contenter de faire la vaisselle, de mettre la table ou de la débarrasser.

«Les enfants veulent cuisiner, il faut seulement les y inciter un peu plus», a observé hier Nathalie Jobin, chargée du projet Tout le monde à table. On laisse les marmitons cuisiner le week-end, surtout des desserts et biscuits (dans 38% des cas), des pâtes (13%), des muffins (10%) et des déjeuners, comme des crêpes (10%).

Les temps ont changé: selon un sondage Léger Marketing*, 80% des parents d'aujourd'hui voyaient leur mère (ou leur père) cuisiner chaque soir. Désormais? Ils mangent deux fois moins de repas maison.

«Il y a une perte évidente de transmission des habiletés culinaires, qui pourrait être inquiétante pour les générations futures, a relevé Mme Jobin. Les parents d'aujourd'hui ont certainement acquis un peu d'habiletés culinaires en voyant cuisiner leurs parents.»

Mais comment mitonner le ragoût de sa grand-mère quand on rentre du boulot à 18h? «Les horaires du travail, du service de garde, les cours de tout un chacun, ça entre en conflit avec le fait de manger sainement en famille à la maison, a-t-elle reconnu. On ne veut pas faire la morale, on veut que les conditions des jeunes familles s'améliorent, pour favoriser l'adoption de comportements alimentaires sains.»

Manger à l'extérieur un ou deux soirs par semaine

Le tiers des familles mangent à l'extérieur du foyer un ou deux soirs par semaine, selon le sondage, et 12% des parents soupent à l'extérieur la moitié du temps. «Plus les enfants sont jeunes, plus les repas sont pris en famille, mais plus ils grandissent, plus on s'éparpille», a indiqué la nutritionniste.

Il reste l'écran avec qui casser la croûte. Près d'un enfant sur deux dit «souper souvent devant la télévision ou l'ordinateur», une donnée publiée en décembre. Étonnamment, seulement 7% des parents affirment prendre le repas du soir en famille devant l'écran! «Ça peut s'expliquer de plusieurs façons, a dit Mme Jobin. Dans bien des cas, les parents sont ensemble à table et les enfants, devant la télé.»

D'autres embellissent peut-être la réalité. Les Québécois s'accordent 8 sur 10 quand ils évaluent leurs propres habitudes alimentaires, selon le sondage. Celles des voisins? La note est plus basse: 6 sur 10. La moitié des répondants admettent par ailleurs «se sentir bombardés par la quantité d'information sur l'alimentation».

Rétablir les cours d'économie familiale

Comment faire mieux? Près du tiers des parents souhaitent le rétablissement des cours de cuisine à l'école, révèle un sondage mené auprès de 2400 répondants sur le site www.toutlemondeatable.org. La consommation d'aliments locaux est une solution que proposent 20% des gens, tandis que 18% réclament des mesures supplémentaires de conciliation travail-famille, pour «finir plus tôt et avoir du temps pour préparer les repas».

Financé par Québec en forme (avec un budget de 1 million de dollars), Tout le monde à table entame sa deuxième phase demain, à Montréal. L'automne prochain, quand tous les résultats sur les habitudes alimentaires des familles seront compilés, une rencontre réunissant consommateurs, gouvernements et industrie agroalimentaire est prévue.

«On va réfléchir au rôle de chacun pour que les conditions des jeunes familles québécoises s'améliorent», a précisé Mme Jobin.

* Sondage réalisé du 12 au 17 août 2010 auprès de 1500 parents d'enfants de moins de 12 ans.

Les jeunes québécois et la cuisine



-80% des enfants aimeraient cuisiner davantage avec leurs parents.

-70% des enfants disent que faire la vaisselle, mettre ou débarrasser la table sont les tâches qu'ils accomplissent le plus souvent.

-Seulement 18% des enfants disent aider à la préparation des repas au quotidien.

-80% des parents voyaient, quand ils étaient enfants, un de leurs parents cuisiner des soupers maison tous les soirs. Aujourd'hui, ces mêmes parents mangent deux fois moins de repas maison qu'il y a 20 ans.

-Les Québécois évaluent leurs propres habitudes alimentaires à 8/10... et celles de leurs voisins à 6/10.

-Près du tiers des familles, soit 32%, mangent à l'extérieur de la maison un ou deux soirs par semaine, et 12% des parents soupent à l'extérieur la moitié du temps. Plus il y a d'enfants dans la famille, plus on tend à manger à la maison.

Source: Étude Léger Marketing sur les habitudes alimentaires des familles québécoises avec de jeunes enfants, réalisée du 12 au 17 août 2010, auprès de 1500 parents qui ont un ou plusieurs enfants âgés de 0 à 12 ans. Marge d'erreur de 2,53 points de pourcentage.

Quand ils cuisinent, les enfants font

-38% des desserts ou des biscuits

-13% des pâtes

-10% des muffins

-10% des déjeuners

S'ils avaient à apporter un seul repas ou aliment dans une île déserte, les enfants choisiraient:

-29% des pâtes

-10,5% des fruits et légumes

-9,5% de la pizza

-8,3% de la bouffe-minute

Source : 2800 enfants de 12 ans et moins, de 9 régions du Québec, ont répondu aux questions de Tout le monde à table, initiative de l'Université de Montréal, de septembre à décembre 2010.