L'Allemagne s'alarme des mauvais résultats des garçons à l'école, domaine des femmes, et veut attirer plus d'hommes vers le métier d'instituteur pour redonner aux enfants des «modèles masculins».

Si les garderies et les maternelles ont toujours été affaire de femmes en Allemagne, la féminisation de l'école élémentaire est récente. Il y a une trentaine d'années, les institutrices n'étaient pas majoritaires. Pour l'année scolaire 2006/2007, elles représentaient 87 % de la profession.

Dans le même temps, des études pointent régulièrement du doigt les mauvais résultats des garçons. La dernière en date, sur le niveau scolaire des enfants de 15 ans, révélait que les garçons affichent en moyenne un retard d'un an par rapport aux filles dans le domaine de la lecture.

Deux évolutions parallèles qui inquiètent. «Dans ces années fondamentales pour leur développement, les jeunes garçons manquent aujourd'hui souvent de modèles masculins», estime la ministre conservatrice de la Famille, Ursula Von der Leyen, dans l'édition de décembre du mensuel allemand Cicero.

Des jupons de la mère à ceux des assistantes maternelles à ceux des institutrices, les enfants allemands ont surtout affaire à des femmes jusqu'à l'âge de dix ans. Pour Mme von der Leyen, c'est une explication de l'échec masculin à l'école.

Des propos qui reprennent une «thèse répandue» selon Waltraud Cornelissen, spécialiste des différences entre les sexes à l'Institut de recherche sur la jeunesse de Munich. C'est en 2004 que le très influent magazine Spiegel avait mis le feu au poudre en consacrant l'un de ses numéros au thème : «Filles malines et garçons bêtes». Depuis, la discussion fait rage.

En sciences de l'éducation, c'est un terrain de recherche encore en friche. «Les quelques études qui ont été réalisées jusqu'à maintenant en Angleterre, en Autriche et en Australie n'ont pas pu mettre à jour un rapport entre les performances scolaires à l'école primaire et le sexe de l'enseignant», selon Hannelore Faulstich-Wieland, qui dirige un projet de recherche à la faculté de Hambourg. Si les experts s'accordent à regretter le manque d'instituteurs, c'est parce que «l'hétérogénéité du corps enseignant» est nécessaire pour apprendre aux enfants «les possibilités offertes par la diversité».

Pour Mme von der Leyen, la pénurie d'hommes à l'école pose aussi la question de l'autorité pour les «jeunes issus de l'immigration». «Lorsqu'à la maison, la mère et la soeur ne sont pas prises au sérieux, on a vite un problème avec l'autorité de l'institutrice», dit-elle.

Une thèse que tempère Mme Cornelissen. Ce problème de reconnaissance de l'autorité, lorsqu'elle est représentée par une femme, n'est pas selon elle particulier aux immigrés: «il y a des milieux en Allemagne, où ces visions masculines traditionnelles sont très ancrées et connaissent même un regain».

Un constat a cependant le mérite de rassembler tout le monde, politiciens conservateurs et sociologues : il faut changer l'image des métiers de l'enfance. «Selon une norme culturelle très forte en Allemagne, seules les femmes sont compétentes pour s'occuper des jeunes enfants», constate Mme Cornelissen. Pour Mme von der Leyen, l'homme ne doit plus être cantonné au rôle de soutien de famille mais doit être reconnu comme éducateur. Une évolution qui devrait passer par une revalorisation de ces métiers, notamment au niveau des salaires, dit la ministre.

«C'est à vrai dire incompréhensible qu'un travail si fondamental soit beaucoup moins bien rémunéré que le travail à l'école», remarque Mme Faulstich-Wieland. Une telle mesure ne pourrait cependant venir que des États fédérés, le domaine scolaire étant leur prérogative.