Trois ans après la disparition du cours d'économie familiale dans lequel les adolescents apprenaient à dompter les chaudrons, l'alimentation revient au menu des écoles du Québec. Mais cette fois, on veut lui faire la part belle dans toutes les matières, des mathématiques aux arts plastiques. De la première année du primaire jusqu'à la fin du secondaire.

«Ça fait déjà partie du programme de formation de l'école québécoise que de parler d'alimentation, explique la Dre Lyne Arcand, de l'Institut national de santé publique du Québec. C'est écrit noir sur blanc.»

 

L'Institut a concocté une approche volontaire, l'École en santé, où il est largement question d'alimentation. La démarche est nouvelle, mais déjà 25% des écoles du Québec ont entrepris de l'intégrer pour que les jeunes puissent se familiariser avec la saine alimentation. Le projet a été mis en oeuvre par le ministère de la Santé et le ministère de l'Éducation, du Sport et du Loisir. Le but de l'exercice: donner des idées et des outils aux enseignants.

La lecture du Guide alimentaire canadien dans un cours de sciences? Inefficace pour changer les comportements des jeunes. «Avec l'alimentation, il faut s'éloigner du programme scolaire, penser à ce qui fonctionne et inventer des façons d'impliquer les jeunes», précise Lyne Arcand, qui présentera les résultats de ses recherches ce matin à Montréal, à des professionnels de l'éducation.

La grande force de cette approche est qu'elle est à géométrie variable. Pas une école ne recevra un mode d'emploi lui donnant une recette miracle à suivre à la lettre. Ce n'est pas un programme avec un début, une fin et des objectifs à atteindre.

Car on ne parle pas d'alimentation dans une école de campagne comme on aborde le sujet avec des jeunes de la ville qui n'ont jamais mis les pieds sur une ferme. De même, on ne demandera pas à une école située en milieu urbain et défavorisé de se lancer dans des activités de cuisine complexes, en priorité. Dans un cas comme celui-là, explique Lyne Arcand, l'alimentation pourrait servir de lien entre l'école, la famille et la communauté. En organisant un déjeuner-causerie, entre les parents et les enseignants, par exemple, puisque les parents doivent aussi être impliqués. Parfois, on pourra demander aux écoliers de cuisiner pour leurs parents. Aux professeurs de voir ce qui leur va. Le principe est le même partout, mais les projets seront différents. Une des constantes sera de voir les jeunes manipuler les aliments. «Les enseignants font déjà beaucoup de choses au niveau de l'enseignement de la saine alimentation, explique Lyne Arcand. On faisait des quiz, des bricolages autour des fruits et légumes. Notre recommandation, c'est vraiment que les jeunes goûtent. Qu'ils expérimentent et qu'ils manipulent les aliments.»

Les spécialistes de l'Institut ont mis deux ans à réviser la littérature internationale pour voir un peu ce qui se fait, ici et ailleurs, pour intégrer l'alimentation à l'éducation. Ils en ont tiré des recommandations d'experts d'après des expériences porteuses.

«Les enseignants ont besoin d'être accompagnés», explique Lyne Arcand qui juge que les professionnels de l'éducation, aussi débordés soient-ils, sont très favorables à l'École en santé. «On utilise la même vision de l'éducation qui veut développer des compétences, mais au service de la santé», précise-t-elle.

Les profs, les surveillants et les parents

L'École en santé n'est pas liée à la politique-cadre pour l'alimentation en milieu scolaire, lancée en 2007, dont le but le plus éclatant était d'évacuer la malbouffe des cafétérias. «La politique a encouragé les écoles à faire plein de choses en alimentation, explique la nutritionniste Geneviève O'Gleman. Mais c'est très difficile de traduire cette politique en gestes concrets et efficaces.»

«C'est un pas dans la bonne direction, poursuit-elle. Mais il ne faut pas la voir comme une fin. Il ne faut pas se dire que le problème est réglé parce qu'on a banni la malbouffe des écoles. La politique-cadre est un début. C'est un cadre dont il faut se servir de façon intelligente.»

L'approche l'École en santé s'adresse à toutes les personnes qui vont influencer les jeunes dans leur alimentation. Donc aussi aux responsables de la cafétéria. «Il faut apprendre aux jeunes à prendre leur temps pour manger», dit Geneviève O'Gleman. Or, présentement, dans de nombreuses cafétérias scolaires du Québec, c'est plutôt l'inverse. On presse les élèves de dîner, car un autre groupe va suivre. «Dans une école, j'ai même déjà vu un groupe de mangeurs lents, qu'on avait placé à une table à part pour qu'ils ne ralentissent pas les autres, raconte la nutritionniste, spécialiste du milieu scolaire. Manger lentement est une qualité que l'on devrait cultiver toute sa vie et dans un cas comme ça on force les enfants à se dépêcher.»