Après quatre jours de défilés à la 21e Semaine de mode de Montréal, un constat s'impose: que de jolies découvertes! Les jeunes talents, de UNTTLD à Anastasia Lomonova, en passant par Duy et Martin Lim, ont tenu leurs promesses, laissant préfigurer de durables carrières. À noter aussi, les présentations conceptuelles se substituent de plus en plus aux défilés classiques, indéniablement plus coûteux. Enfin, soulignons la présence remarquée sur la passerelle de mannequins à la beauté métissée. Retour sur quatre temps forts de ce cru emballant.

Philippe Dubuc Un homme chic et déconstruit

C'est au rez-de-chaussée de sa boutique de la rue Saint-Denis que le designer a choisi de présenter ses créations devant une poignée de journalistes. Dans l'écrin dessiné par Gilles Saucier, l'installation nous a laissé à voir 10 silhouettes masculines hyper chic, où dominent «des matières rocailleuses et minérales, des effets de plâtre et de béton». La projection de la vidéo du tandem d'artistes Baillat-Cardell a conféré à cette collection une dimension parfaitement minimaliste, simple, chic et rock: du pur Philippe Dubuc.

Comme toujours, on y a trouvé des costards coupés à la perfection, des chemises ajustées, des tissus enduits, qui semblent huilés ou craquants comme du papier. Ont aussi émergé des détails en trompe-l'oeil, des coutures en biais, des effets de construits-déconstruits, qui sont venus casser la rigueur d'une coupe ou d'une matière. Côté nouveautés, explique Dubuc, «j'ai innové en mariant cuir et maille, et puis d'une manière générale, je réfléchis de plus en plus à un vêtement amovible, comme cette veste perfecto qui se transforme en queue-de-pie». À retenir également, ces impressions «bancs de sel», ce pantalon cavalier-sarouel aux poches asymétriques, ou cette parka légère, parfaite.

Barilà De bien jolies demoiselles

Chez Barila, la présentation de la collection orchestrée en même temps que la prise de vue du «LookBook» a permis à la créatrice de faire d'une pierre deux coups. Un deux-en-un très astucieux qui nous a permis de s'attarder sur les silhouettes présentées. Les mannequins alignées sur fond de tissu orangé ont battu pavillon «rétro», inspiration dominante de ce cru printanier, avec leurs poses mutines dans des robes-chemises en coton bleu jean très clair. «Je me suis inspirée d'un modèle des années 60, acheté dans une friperie dont l'étiquette indiquait «american shirt-dress». J'en ai fait la version montréalaise», explique la créatrice. Cette robe-chemise, elle la décline en de multiples versions plus ou moins courtes, ceinturées ou non, découvrant parfois une épaule. On retrouve également les combipantalons ou shorts, deux des classiques de la marque, de forme parfois évasée et rappelant vaguement un kimono. Et il arrive que le tout soit décliné à bon escient dans un tissu aux imprimés floraux très «british». Voici donc une garde-robe parfaitement printanière et portable à toute heure du jour et de la nuit: le credo original de la griffe.

Duy Couture glam (our)

Pour son premier défilé à Montréal, Duy a proposé une collection enthousiasmante intitulée «La rose du désert futuriste», sorte de clin d'oeil au titre d'un film franco-autrichien de 2009, augmenté d'un adjectif signalant une volonté avant-gardiste. Voilà de quoi donner le ton. Le créateur conceptualise une mode féminine et travaillée, avec une avalanche de détails techniques relevant du grand art, comme l'ont souligné cette robe en cuir presque seconde peau, ce combishort en organza de soie dénudant le dos, cette jupe de cuir (encore le cuir) façon reptile et couleur chocolat à se damner. Sans oublier toute la série des robes crayon zippées dans le dos et dessinant des silhouettes à tomber par terre. Le designer en a profité pour amorcer sa ligne masculine avec 10 silhouettes très «chaudes», dont ce haut qui dévoile absolument tout de l'anatomie de Monsieur, pour un homme ressemblant de près ou de loin à Zorro, chapeau oblige!

Anastasia Lomonova La vestale

«C'était une collection particulièrement difficile à présenter, et qui ne sera certainement pas la plus commerciale», nous a confié d'emblée Anastasia Lomonova. Connue dans une vie antérieure pour ses looks très «portables», la créatrice s'est cette fois attaquée à un créneau nettement moins facile d'accès, mais forcément plus spectaculaire: des robes le plus souvent longues, travaillées à partir de chiffon, de lin, de coton et de jersey, des matériaux réagissant très différemment à un même traitement, le tout animé de plissés, froissés et drapés magistraux. Il y a un côté «déesses grecques» dans cette collection grandiloquente. Rayon couleurs, Anastasia opte pour des teintes subtiles de bronze, de beige fumé ou de charbon, avec quelques accents de jaune fluo tirés d'une matière inusitée en mode, comme nous l'écrivions récemment, le caoutchouc. La ligne d'Anastasia Lomonova, qu'elle décrit comme «des sculptures de tissus», ne pouvait pas laisser de marbre.