La créatrice montréalaise Liz Vandal a réussi à s'imposer dans un créneau très particulier: les vêtements de scène. Théâtre, musique, danse, elle a collaboré avec les plus grands, de Marie Chouinard au Cirque du Soleil. Elle vient de signer les costumes d'Alice (In Wonderland) pour le Ballet de Washington.

Traversant avec nous le miroir de Lewis Caroll, Liz Vandal nous présente en exclusivité ses incroyables créations. Dans son atelier de Verdun, entourée de son associée de toujours Yveline Bonjean et de ses «petites mains», elle s'affaire sans relâche. «Dix-huit heures par jour!, c'est épuisant, mais tellement galvanisant.»

Épinglé au mur qui lui fait face, un mantra lui sert de perpétuel rappel à l'ordre: «Reste connectée à la source.»

«On aurait tendance à toujours vouloir en faire plus, et parfois même tout révolutionner jusqu'aux modèles déjà terminés. Mais non, il faut savoir s'arrêter», dit Liz Vandal. Sage philosophie.

Partout autour s'étalent des pièces totalement uniques, du lapin au haut-de-forme du magicien, une floraison de vêtements souvent d'inspiration victorienne - en accord avec l'univers du conte. Adultes et enfants, en tout plus de 150 danseurs, seront mis en scène par Septime Webre.



Un coup d'oeil circulaire nous permet d'évaluer l'ampleur de la tâche, colossale: «Des mois se sont écoulés, presque un an, entre l'élaboration des patrons, la création pure, puis la production. En moyenne, un costume nécessite pas loin de... 80 heures de travail! Toute pièce est conceptualisée sur le corps de chaque danseur. Un processus très proche de la haute couture.»

Vêtement vedette, la robe en satin bleu pâle d'Alice est agrémentée de savantes découpes qui, vues de près, livrent un message quasi subliminal que seule la créatrice peut décoder. «En réalité, le prénom Alice est écrit partout, mais on ne peut le percevoir de loin.» Chaque personnage cache ainsi un petit trésor intime, enfoui dans l'infiniment petit, révélant de la sorte un autre message vu de la salle. Exemple, dans chaque plume du flamand rose se niche un autre flamand, indiscernable à distance. Idem pour la grenouille, dont chaque tache représente en fait le fameux batracien en mouvement. Quant à la méchante reine, elle arbore un col fraise orné de «Q», tous en cristaux de Swarovski. Incroyable folie créatrice et grande beauté de l'ensemble.

Tout cela sans omettre de préciser que les contraintes sont multiples, le costume de scène devant être parfaitement adapté aux mouvements du danseur, donc extensible comme une seconde peau. «Travailler les matières extensibles» n'est pas chose aisée, particulièrement quand elles étincellent d'impressions ultrasophistiquées», explique Liz Vandal.

Pour réaliser ces exploits, la créatrice au charisme contagieux a collaboré avec la compagnie québécoise MTI, entreprise de haute technologie travaillant pour l'aéronautique et collaborant régulièrement avec le Cirque du Soleil. Diane Beaudoin, présidente de MTI, détaille le processus: «Nous avons réalisé les découpes assistées par caméra, plus l'impression numérique sur tissu autrement nommée «sublimation», ainsi que l'application de finis glacés ou métallisés sur différents types d'étoffes. Tout cela a permis d'obtenir des pièces de costumes d'une très grande complexité.»

En navigant avec brio entre un univers à la Tim Burton et sa vision personnelle du conte intemporel, Liz Vandal semble prête à être propulsée vers les cimes américaines du showbiz.