Lunettes clinquantes qui lui cachent la moitié du visage, veste militaire revue et corrigée ou flamboyantes galabiehs: les apparitions publiques du dictateur libyen Kadhafi ont souvent retenu l'attention des médias, même les plus sérieux*, pour son style extravagant qui emprunte tant au monde arabe qu'au défunt roi de la pop Michael Jackson. Kadhafi n'est pas une exception: de Napoléon à Mussolini, de Staline à Kim Jong-iI, les hommes les plus cruels de la planète se sont tous donné un style unique. Pourquoi?

Des costumes beiges du Nord-Coréen Kim Jong-il aux complets deux boutons minimalistes de l'Iranien Mahmoud Ahmadinejad, les hommes de fer, sont, autour du monde, souvent identifiables et reconnaissables à leur style vestimentaire, parfois excessif, toujours redondant. «Ils sont conscients du rôle que joue l'apparence dans la construction de leur identité et ils comprennent que, pour se bâtir une identité, il faut prêter un soin particulier à son apparence. Parfois ça marche, parfois non, mais cela les met toujours hors du monde», explique Sachin Bohla, rédacteur de mode du magazine masculin en ligne Askmen.com.

On trouve chez bien des dictateurs un goût pour les lunettes grand format et pour les vêtements d'inspiration militaire. Ainsi, Fidel Castro, au pouvoir à Cuba depuis 60 ans, est-il longtemps resté fidèle à son treillis et à sa casquette: un uniforme qui n'a été qu'exceptionnellement troqué pour un survêtement Adidas. Le vêtement militaire, lui, a été adopté sous plusieurs variantes par les dirigeants nazis (Hitler) et communistes (Staline, Mao). «Ces uniformes renforcent le lien entre pouvoir et autorité. Hitler portait des uniformes très structurés, des trench-coats qui appuyaient sa position de dictateur», dit Sachin Bohla.

Le style Kadhafi

Auteur d'une sanglante répression contre son peuple, Mouammar Kadhafi a bâti son personnage de dictateur avec les célèbres amazones qui lui ont servi de gardes du corps ou sa tente de Bédouin. Lors de la dernière visite de Kadhafi à Paris, en décembre 2007, le décorum imposé par le chef d'État libyen avait fait couler presque plus d'encre que l'objet même de sa visite. «Ce qui choque pourtant, et définitivement, ce n'est pas tant la venue de Kadhafi que la manière dont on lui a caressé le dos en le laissant se pavaner, se répandre, être lui-même dans ce qu'il peut montrer de plus déroutant, de plus méprisant», dénonçait alors un éditorial du Monde.

«Sa personnalité ressort même dans ses habits, qu'il choisit comme un costume de théâtre, dans un style et des tissus très flamboyants. Cette ostentation vise à le démarquer de son propre peuple, mais aussi à imposer son pouvoir», analyse Mariette Julien, professeure à l'École de mode de l'UQAM et coauteure de L'éthique de la mode. Certains dictateurs pèchent aussi par excès de minimalisme. C'est le cas de Kim Jong-iI qui opte depuis sa prise de pouvoir en 1994 pour un style assez taciturne - exception faite de ses lunettes surdimensionnées - qui le rapproche, selon Pyongyang, des modestes travailleurs nord-coréens.

Photo: AFP

Le Nord-Coréen Kim Jong-il

En politique, l'habit fait le moine



Autoritaires, totalitaires ou démocratiques, les hommes d'État laissent peu de hasard dans le choix de leurs vêtements. Ainsi, le style de Nicolas Sarkozy a connu des mutations pour épouser son discours: la Rolex «bling-bling» des débuts a été chassée par une Patek Philippe, plus discrète dans son ostentation. «Bien des gens ne croient pas que l'habit compte, mais pour un homme politique, ça peut jouer un très grand rôle. C'est rarement conscientisé, mais ça fait partie de la communication», souligneMariette Julien. Qu'on ne s'y trompe pas, l'identité vestimentaire fortement revendiquée par les hommes d'État les plus brutaux sert aussi de paravent. «C'est trop artificiel. On ne s'habille pas comme ça si on a quelque chose à dire», croit Mme Julien.

Sur le web

Les magazines Foreign Policy et Vanity Fair, ainsi que le quotidien britannique Daily Mail ont consacré des articles au style vestimentaire de différents dictateurs. Vous pouvez notamment consulter:

www.foreignpolicy.com/articles/2010/09/15/the_devil_wears_taupe

Photo: archives AFP

Fidel Castro