Le designer Georges Lévesque qui, avec son inséparable associée Marie-Josée Gagnon, a fondé en 1981 la boutique Scandale, est mort mardi d'une crise cardiaque, à l'âge de 59 ans. Ses robes ultra-féminines, d'inspiration gitane, ont fait sa renommée, voire son mythe.

«Il était notre Jean Paul Gaultier», a affirmé hier en entrevue téléphonique sa muse et grande amie Carole Laure, dévastée par la disparition subite du créateur, qui, ces derniers jours, apportait les dernières touches aux costumes du spectacle Cavalia.

Carole Laure a connu Georges Lévesque dans les années 70, à l'époque de la boutique Pur hasard, fondée avec Michèle Hamel, avec qui il collaborait encore, notamment aux spectacles de Cavalia. C'est d'ailleurs son amie Michèle qui lui a appris la triste nouvelle.

«C'était un ami proche, très proche. Pour moi, le boulevard Saint-Laurent ne sera plus jamais le même sans lui. Georges était un être talentueux, qui créait ses vêtements pièce par pièce, mais surtout un être très doux», dit l'actrice, dont la garde-robe est presque entièrement constituée de vêtements signés «Georges Lévesque pour Scandale».

«Il s'inspirait de tout: de l'art, de la rue. Il aimait les formes, les plissés, les drapés, les tissus, sans tenir compte de la mode», observe la styliste Dominique Viens, qui avait 18 ans quand elle a commencé à collaborer avec Lévesque.

L'ex-mannequin travaille à l'occasion à la boutique, véritable monument de la Main qui a été fréquenté par nombre de personnalités du showbiz d'ici et d'ailleurs.

«Julia Roberts est passée ici il y a un mois: elle est sortie avec la moitié de la boutique. »

Comédien et danseur, avant d'être couturier, Georges Lévesque s'est lancé dans la création de vêtements dans les années 70. Designer non-conformiste, curieux, imperméable aux modes et aux contraintes de production, il a confectionné des costumes de scènes (pour Céline Dion et Diane Dufresne), a collaboré avec le metteur en scène Gilles Maheu - créant les costumes pour Le dortoir et Don Juan - et a habillé les Véronique Cloutier, Marie-Jo Thério, Fanny Mallette, Pascale Bussières, Jean Leloup. Il a aussi conçu le costume de toréador portée par Clara Furey, lors de sa solo «carte blanche» au Quat'Sous.

Pour Denis Desro, rédacteur en chef «mode» au magazine Elle Québec, Georges Lévesque aura été «le premier vrai designer au Québec, dans la lignée de Jean-Paul Gaultier. »

«Il avait un style très précis, un côté très gypsy. Il se distinguait par son style coloré et chargé, ses patchworks et l'abondance de détails dans les découpes. Il faisait une mode à lui.»

Denis Desro, qui a connu Lévesque à l'époque de la boutique Pur Hasard, se souvient d'un défilé de créations Georges Lévesque au club La vie en rose, sur la rue Guy. «Il y avait Grace Jones. Pour l'époque, ce qu'il faisait était très nouveau et avant-gardiste.»

À une certaine époque, il est allé à Paris, a failli céder à l'attrait d'une production plus grande. Mais il s'est ravisé, préférant rester artisanal et conserver son rapport personnel avec sa fidèle clientèle. «Il a agi avec son instinct et était heureux de ça. Toute sa vie, il a pu créer sans s'encombrer des fabricants. C'est pour cela que son style a duré. J'en ai vu beaucoup des designers, mais rares étaient ceux dont les vêtements faisaient aussi bien que ceux de Georges Lévesque», témoigne Denis Desro.

«Il est parti comme il a vécu: sans tristesse et sans douleur», dit Dominique Viens. L'ADISQ, les Prix Gémeaux et les soirées de première montréalaises n'auront plus jamais la même allure.