Sans conteste, Jean-Claude Poitras est aujourd'hui ancré dans le patrimoine de la mode québécoise. Pour preuve, le Salon de l'habitation lui rend hommage du 16 au 25 mars à la Place Bonaventure de Montréal. Retour sur une carrière, avec un brin de nostalgie.

La mode est un univers dans lequel Jean-Claude Poitras a évolué de 1972 à 2002, trois décennies précédant une plongée dans le design d'intérieur, autre virus passionnel de cet homme né en 1939.

Dix jours d'exposition lui seront consacrés dans le but de redécouvrir à la fois ses cuisines ou ses pièces de vaisselle uniques, mais aussi trois silhouettes mode agrémentées d'accessoires, autre source d'intérêt chic qui devrait d'ailleurs le pousser sous peu à relancer une nouvelle collection, allant des bijoux aux sacs griffés main.

On pourrait s'étonner du peu de créations vestimentaires à voir sur place, peut-être un symptôme de la préférence actuelle du designer pour l'invention d'objets d'usage domestique.

Chose certaine, le créateur n'a pas la langue dans sa poche. «La mode québécoise a perdu de son aura, juge-t-il. Je me souviens d'une époque où tous les designers d'ici défilaient à l'hôtel Pierre à New York, ou lorsque le grand magasin Bergdorf Goodman de la 5e Avenue avait consacré ses vitrines à mes manteaux en peau lainée, en 1987. Tout ça me semble si loin, de surcroît dans un Montréal où plus personne ne semble supporter la moindre contradiction!»

Un ange passe comme un souffle de nostalgie, puis voilà Jean-Claude Poitras évoquant un passé qui aura marqué plusieurs générations de Québécois. En 1989, il se voit remettre le Fil d'Or par un cercle prestigieux présidé par Karl Lagerfeld, à Monte-Carlo. Deux années plus tard, il devient le tout premier créateur à recevoir deux Griffes d'or pour ses collections pour homme et femme, lors du premier gala télévisé en hommage à la mode québécoise. Consécration parmi les consécrations, puisque cette fois-ci, elle vient du public.

En avril 1991, les lectrices d'Elle Québec l'ont élu leur créateur préféré, 11 ans avant qu'il décide de baisser le rideau sur la mode en expliquant que «le rythme infernal de quatre collections par an (pour femmes et pour hommes) était usant. Il fallait que je me dirige vers d'autres horizons», dit-il.

Tout en soutenant dorénavant la démarche de jeunes créateurs, du moins ceux qu'il juge talentueux, Jean-Claude Poitras dénonce la baisse qualitative des matériaux, la fabrication en Chine et le manque d'intérêt, depuis les années 90, des détaillants québécois pour les créations des talents locaux. «Ceci a été d'autant plus injuste que mes travaux visaient une certaine forme de minimalisme, sans froufrous; les belles matières, les textures. Ce qui caractérisait le style Poitras, c'était ce genre masculin-féminin, des manteaux surdimensionnés pour femmes, loin des broderies chichiteuses.»

À n'en pas douter, cet hommage permettra de rafraîchir la mémoire de sa clientèle passée et d'ouvrir les horizons aux nouveaux visiteurs.