Une entreprise québécoise offrant aux personnes atteintes de rétinite pigmentaire d'aller se faire soigner à Cuba a présenté une conférence, hier, à Montréal. Selon la société, les médecins cubains effectuent des traitements miracles. Les ophtalmologistes d'ici mettent plutôt en garde la population. Les soins prodigués à Cuba ne sont soutenus par aucune publication scientifique.

La rétinite pigmentaire est une maladie dégénérative de l'oeil. Au fil des ans, les personnes atteintes perdent progressivement la vue avant d'atteindre la cécité complète. Aucun traitement ne peut actuellement guérir la maladie. Mais l'entreprise québécoise Service santé international (SSI) prétend que des médecins cubains ont trouvé une façon de la ralentir.

 

«Les médecins spécialistes d'ici se concertent pour dire qu'il n'y a pas de remède contre la rétinite. C'est faux. Ceux qui se font soigner à Cuba voient leur maladie stoppée et leur vision revient parfois», dit la présidente de SSI, Lucie Vermette.

Selon Mme Vermette, des hôpitaux «quatre ou cinq étoiles de Cuba» offrent un traitement révolutionnaire. Pour la somme de 8800$, les Québécois peuvent se rendre à Cuba et s'y faire soigner. À cette somme, il faut ajouter les frais de transport et 400$ de «frais de liaison» payables à SSI.

La technique controversée a été brièvement expliquée hier. Elle consiste en une chirurgie de deux heures de la rétine. Les patients subissent ensuite un traitement à l'ozone, «un agent antioxydant qui contrôle les radicaux libres», a expliqué le vice-président de SSI, Alexandre Rhéaume. Ils subissent aussi un traitement électromagnétique qui améliore la circulation sanguine.

La technique est efficace, assure Mme Vermette. La preuve? Certains patients québécois sont allés s'y faire traités et sont revenus en meilleur état.

Seul Cuba offre ce traitement particulier qui échoue seulement 9% du temps selon SSI. Pourquoi les États-Unis et le Canada n'offrent-ils pas ce traitement? «C'est parce que c'est de la haute voltige médicale. Les Cubains se sont spécialisés dans ça», répond Mme Vermette.

Les ophtalmologistes pas d'accord

L'Association des médecins ophtalmologistes du Québec n'est pas du même avis. Selon le président de l'Association, le Dr Jean-Daniel Arbour, la technique cubaine n'est pas offerte au Québec parce que rien ne prouve son efficacité. «En fait, si on utilisait cette méthode présentement, on se ferait poursuivre, dit-il. Parce que dans les standards d'aujourd'hui, c'est farfelu et dangereux.»

La technique cubaine vantée par SSI n'a jamais fait l'objet d'une publication scientifique. La communauté scientifique cubaine elle-même a d'ailleurs refusé de publier la recherche. «S'il y avait des études qui montraient que la technique fonctionne, on serait les premiers à l'utiliser! On veut trouver un moyen de guérir cette maladie», dit le Dr Arbour.

Mais Mme Vermette est convaincue: la technique cubaine fonctionne. «Les médecins d'ici ne la recommandent pas tout simplement parce qu'ils ne la connaissent pas», dit-elle.

Recherche à Harvard

Au contraire, le Dr Arbour a effectué quelques recherches sur le sujet. L'Université Harvard a mené une recherche sur le traitement cubain de la rétinite en 1996. La conclusion avait été la suivante: «Nos données appuient la conclusion voulant que l'intervention offerte à Cuba ne procure aucun bénéfice pour les patients atteints de rétinite.»

Le président du Collège des médecins est aussi sceptique devant la technique cubaine. «Tant qu'il n'y aura pas de publication scientifique crédible sur la question, on ne va pas croire que ça fonctionne. (...) Si cette technique était si bonne, ça fait longtemps qu'elle serait répandue partout dans le monde», dit le Dr Yves Lamontagne.