Alexis, 2 ans, n'est que l'ombre du petit garçon enjoué qu'il était. «Il ne sait plus avaler, ne sait plus parler, ne sait plus marcher», confie à la caméra sa mère, Pascale, le regard triste. Quelques jours après avoir reçu six vaccins dans la même journée, son fils est tombé dans un profond coma pendant environ un an. Diagnostic: encéphalite. Après une diffusion à la télévision française en décembre 2008, le documentaire-choc Silence, on vaccine sort en salle vendredi au Québec. La cinéaste Lina B. Moreco souhaite raviver le débat sur la vaccination, au grand dam des experts en santé publique.

«J'ai voulu donner la parole aux victimes des vaccins. Elles sont souvent méprisées et rarement indemnisées», indique la gagnante d'un prix Gémeaux en 2004 pour son film Médecine sous influence.

 

Au Québec, en France et aux États-Unis, elle a rencontré des parents d'enfants autistes, des personnes atteintes de sclérose en plaques, du syndrome de Guillain-Barré et de troubles neuromusculaires dégénératifs. Des maladies apparues, dans tous les cas, après une vaccination. Le portrait qu'elle brosse se veut troublant. Doit-on s'inquiéter?

Risqué, le vaccin?

On administre 2,5 millions de doses de vaccins par année au Québec. Les petits Québécois reçoivent une vingtaine de doses au fil des ans. Ce nombre est appelé à grossir avec l'arrivée de nouveaux vaccins. «On doit sonner l'alarme», soutient la cinéaste.

«Dans une journée à la garderie, un enfant est exposé à plus de microbes que dans toute sa vaccination à vie», relativise Gaston De Serres, médecin-conseil et expert en sécurité vaccinale à l'Institut national de santé publique du Québec et professeur à l'Université Laval.

«Je suis en faveur des vaccins. Ils sont extrêmement sécuritaires. L'effort scientifique est considérable partout dans le monde, on les surveille étroitement, précise-t-il. Est-ce que je peux assurer qu'un vaccin ne causera jamais de problème? Non. Les gens voudraient une réponse bétonnée, mais il existe des risques pour chacun des vaccins.»

Quand on se fait vacciner, on risque grosso modo une fois sur un million d'avoir des complications graves. En comparaison, la probabilité d'être frappé par la foudre une fois dans sa vie se chiffre à un cas sur 250 000. Pour suivre l'incidence des effets secondaires, le Québec a mis sur pied un comité de surveillance qui a des représentants dans chaque région.

Pourquoi prendre le risque, aussi minime soit-il? «Si on attrape la rougeole, le risque d'encéphalite est de un cas sur 1000. Avec le vaccin RRO, c'est plutôt un sur un million, souligne Maryse Guay, médecin-conseil à l'Institut de santé publique du Québec. Quand on prend le volant, on accepte le risque d'avoir un accident, non? C'est un risque calculé.»

«Si on cesse de faire vacciner les enfants, les risques sont élevés de voir réapparaître les maladies infectieuses», estime Karl Weiss, microbiologiste et infectiologue à l'hôpital Maisonneuve-Rosemont.

Si certaines maladies sont circonscrites, comme la polio et la rougeole, elles ne sont pas éradiquées pour autant. Au printemps 2007, une éclosion de rougeole, vite résorbée, a touché le Québec. On a confirmé 14 cas chez des gens non vaccinés. «On oublie que, comme l'amélioration de l'hygiène et les antibiotiques, les vaccins ont joué un rôle majeur dans l'augmentation de l'espérance de vie», souligne Karl Weiss.

De son côté, Lina B. Moreco s'interroge: «Combien de personnes peut-on accepter de sacrifier au nom du bien commun?»

Silence, on vaccine, de Lina B. Moreco. Coproduction France-Québec (ONF et Playfilm). 86 minutes. En salle dès le 30 janvier à la Cinérobothèque ONF de Montréal, à la Maison du cinéma de Sherbrooke et, en février, au cinéma Le Clap de Québec.

 

Du mercure dans nos vaccins?

Au Québec, les vaccins administrés aux enfants de moins de 5 ans ne contiennent pas de mercure depuis 1996, à l'exception du vaccin antigrippal. Quand on parle de mercure, on parle habituellement de méthylmercure. Or, le thimérosal, agent de conservation utilisé dans certains vaccins, est à base d'éthylmercure, beaucoup moins toxique. «La quantité est infime et très sécuritaire. Quoi qu'il en soit, il a été démontré noir sur blanc que le mercure n'a aucun lien avec l'autisme», précise Maryse Guay, médecin-conseil à l'INSPQ.

Piqûres à la carte

Au Québec, contrairement à certains États américains, la vaccination n'est pas obligatoire, mais recommandée. «Il y a une pression sociale immense. Si on refuse, on se fait regarder de travers et on se fait traiter de profiteur», note la cinéaste Lina B. Moreco. De 2 à 4% des parents québécois, au moins, ne font pas vacciner leurs enfants. La vaccination à la carte? «C'est mieux que rien du tout», répond Karl Weiss, microbiologiste et infectiologue à l'hôpital Maisonneuve-Rosemont. «Tous les vaccins n'ont pas la même efficacité et la même importance.» Par exemple, le vaccin contre la méningite est plus important que celui contre la varicelle.

Trop de vaccins?

En 1980, les quatre vaccins de base contenaient au total 3041 agents antigènes, provoquant une production d'anticorps spécifiques. En 2000, les 11 vaccins de base contenaient 126 agents antigènes, selon les données du ministère québécois de la Santé. Les vaccins seraient donc plus efficaces aujourd'hui, tout en contenant moins de composants (non pathogènes) de virus ou de bactéries. «Les vaccins n'affaiblissent pas le système immunitaire de nos enfants. Au contraire, ils ont un effet stimulant et ils sont de plus en plus performants», note Gaston De Serres, médecin-conseil de l'INSPQ. En produisant des anticorps spécifiques, le système immunitaire s'arme pour faire face à une menace éventuelle, qui sera reconnue et combattue avant qu'elle ne crée de dommages.

Effets secondaires communs

Sensibilité au lieu d'injection, enflure, irritabilité, éruptions cutanées, fatigue et fièvre. Si les symptômes s'aggravent et que la fièvre persiste, mieux vaut consulter.

Contre-indications

«Certains vaccins ne devraient pas être donnés si l'enfant souffre de certains types de cancer, s'il a une maladie ou s'il prend un médicament qui diminue la capacité de l'organisme à résister à l'infection», selon le Collège canadien des médecins de famille. S'il est fiévreux, mieux vaut attendre. Si votre enfant a déjà réagi fortement à un vaccin ou s'il a déjà eu des convulsions, parlez-en à votre médecin.

Source : Ministère de la santé du Québec