Les traitements de fertilité seront remboursés à toute femme en âge de procréer, les célibataires et les couples de même sexe seront admissibles au remboursement et le nombre typique d'embryons transplantés en une intervention pourrait être de deux - ou de trois quand le pronostic est moins bon.

C'est ce qu'a déclaré le ministre de la Santé, Yves Bolduc, lors d'une entrevue à La Presse au sujet du projet de loi sur la procréation assistée attendu cette session-ci.

 

Le gros problème, dit-il, «ce n'est pas tant les jumeaux que les triplés et les quadruplés». «On ne veut pas se retrouver avec des octuplés comme en Californie; on veut que le bon sens prime. Les experts médicaux vont trancher là-dessus.»

Au total, le ministre estime que le remboursement pourrait permettre la naissance de 1400 petits Québécois de plus par année. La facture annuelle des traitements assumée par Québec serait de 35 millions. Le remboursement des deux premiers traitements est envisagé, mais la porte n'est pas fermée à davantage.

De l'avis du ministre, cette promesse électorale s'autofinancera. «On paie pour les traitements, mais, en bout de piste, si on discipline la pratique médicale, il y aura moins d'enfants issus de grossesses multiples et ça diminuera les coûts de soins de santé ultérieurs.» M. Bolduc évoque le fait que la gratuité des premiers traitements pourrait inciter les parents à plus de prudence.

Mais c'est justement là où le bât blesse, les médecins en reproduction assistée étant très peu favorables à un encadrement plus rigide, notamment depuis que la loi fédérale a été promulguée en 2004.

«Ottawa s'est empressé de faire une loi pour criminaliser le fait de cloner un être humain, comme disait vouloir le faire Raël, mais il s'est ensuite mêlé de choses qui dépassaient son objectif initial», rappelle Yves Robert, secrétaire du Collège des médecins.

Pour le Dr Robert, plutôt que de parler d'un certain nombre d'embryons, il suffirait de mettre en place un registre qui permettrait au gouvernement de savoir exactement ce que fait chaque médecin. Déjà, «cela donnerait une petite gêne aux médecins» qui tendraient à exagérer.

Actuellement, dit-il, «on joue les apprentis sorciers». Il faut absolument éviter de continuer de mettre au monde «des enfants dont la maladie sera un lourd fardeau pour eux-mêmes, pour leurs parents et pour la société en général», ajoute-t-il.

Registre et confidentialité

Le Dr François Bissonnette, président de l'Association canadienne de fertilité, est d'accord avec une certaine «imputabilité», même s'il se dit généralement «allergique à tout registre pour des questions de confidentialité».

Au pis aller, il faudrait à son avis que ce registre assure un suivi par clinique et non par médecin.

Pourquoi pas par médecin? Parce que les médecins d'une clinique donnée décident et suivent entre eux des protocoles communs, répond le Dr Bissonnette.

Quant au nombre d'embryons implantés, le Dr Bissonnette croit que l'autodiscipline viendra avec le remboursement d'un certain nombre de traitements. Il serait prêt, dit-il, à suivre le modèle belge, qui laisserait quand même aux médecins la pleine latitude pour répondre aux besoins individuels de leurs patients.

D'ici à ce que toutes les ficelles du projet de loi soient attachées et à ce que les remboursements étatiques soient accordés, les couples qui souhaitent devenir parents se croisent les doigts. Parmi ceux-là, Marie-Claude Préseault et son conjoint, qui a eu un cancer de la prostate. Sans la procréation assistée, dit-elle, «je ne pourrais pas avoir un deuxième enfant».