Les cliniques d'avortement viennent d'obtenir une victoire: Québec, qui entendait resserrer leur pratique, a décidé de faire marche arrière.

En effet, ce n'est maintenant plus qu'une question de jours avant que les avortements soient supprimés de la liste des traitements qui doivent être donnés dans une clinique médicale spécialisée. Après des pourparlers musclés avec les fédérations représentant omnipraticiens et spécialistes, le gouvernement dispensera les cliniques d'avortement d'avoir à répondre aux critères d'une clinique spécialisée pour pouvoir pratiquer des interruptions volontaires de grossesse (IVG).

 

Ce projet de loi sera soumis à une consultation avant d'entrer en vigueur le 31 mars prochain. Après cette date, les cliniques médicales spécialisées devront en outre se procurer une accréditation pour continuer à pratiquer une cinquantaine d'interventions, en grande partie de chirurgie orthopédique, mais aussi de chirurgie esthétique de reconstruction.

Avec ce projet de règlement, attendu depuis l'été dernier, quatre cliniques de la région métropolitaine viennent de sceller un contrat de service avec le gouvernement afin de procéder à un minimum de 2000 avortements en trois ans. En août dernier, la clinique de L'Alternative, de Montréal, avait annoncé qu'elle fermait ses portes en raison des nouvelles normes prévues au projet de loi 34. Cela signifiait qu'au moins 1000 avortements devraient être faits par les hôpitaux et CLSC, déjà surchargés par environ 19 000 IVG par année, selon les dernières données disponibles pour 2007.

La clinique de L'Alternative, appuyée par les cliniques L'Envolée, Fémina et Morgentaler, s'en prenait notamment au fait qu'on oblige les médecins pratiquant des avortements à respecter les normes d'une véritable salle d'opération, «avec des habits stériles de la tête aux pieds».

«Les femmes préfèrent venir en clinique plutôt qu'à l'hôpital pour se faire avorter, a expliqué Micheline Dupuis, directrice de la clinique de L'Alternative. Nous nous sommes opposés farouchement pour être retirés des normes des cliniques médicales spécialisées. Ce qu'on nous demandait était irréaliste. Nous célébrons donc aujourd'hui une victoire.»

À Québec, le critique du Parti québécois en matière de santé, Bernard Drainville, n'a pu qu'accueillir avec satisfaction l'adoption du décret, tout en indiquant que le gouvernement aurait pu éviter un «psychodrame» en agissant plus vite. «Le ministre de la Santé a laissé l'impression qu'il voulait limiter l'accès aux avortements au Québec.»

Du côté de la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec (FMOQ) et de la Fédération des médecins spécialistes (FMSQ), qui ont appuyé les cliniques d'avortement dans leurs revendications, on se réjouit de la décision du gouvernement.

Richard-Pierre Caron, conseiller principal aux communications de la FMSQ, précise que la loi n'empêche pas les cliniques médicales spécialisées dûment accréditées de pratiquer des avortements. Mais, actuellement, le phénomène est marginal ou même inexistant, estime-t-on à Québec.

 

L'AVORTEMENT EN CHIFFRES

Selon les dernières données disponibles, le Québec est la province où il se pratique le plus d'avortements au pays après l'Ontario. En 2006, 33 000 interruptions volontaires de grossesse ont été pratiquées en Ontario, comparativement à 29 000, au Québec. De ce nombre, environ les deux tiers ont eu lieu dans les hôpitaux et CLSC. Les autres ont été pratiqués dans des cliniques d'avortement et, dans une moindre mesure, dans des centres de santé des femmes.