Presque un an après l'enquête de La Presse révélant de graves lacunes dans les résidences privées pour aînés du Québec, la commissaire aux plaintes et à la qualité des services à l'Agence de la santé et des services sociaux de Montréal, Ghislaine Tremblay, déplore que le processus de certification de ces établissements soit encore si peu sévère.

«Ce processus ne fait que certifier certains éléments. En aucun temps, il n'assure la qualité de ces milieux de vie», a-t-elle déclaré hier matin, lors d'une conférence sur la sécurité des aînés à Montréal.

 

Par exemple, pour être certifiées, les résidences doivent offrir des repas qui respectent le Guide alimentaire canadien. Les inspecteurs doivent pouvoir consulter les menus des trois semaines suivantes quand ils se présentent en résidence. «Mais qu'est-ce qui nous dit que les menus qu'on nous montre sont réellement offerts? demande Mme Tremblay. Dans un contexte de non-contrôle de la qualité, on note que l'indice de vulnérabilité des personnes qui habitent ces résidences augmente significativement.»

Selon la commissaire, la sécurité des personnes âgées est aussi menacée, car encore aujourd'hui, le personnel qui travaille en résidence privée manque souvent de formation. Une étude menée en 2008 montre que seulement 31% des employés à temps complet des résidences privées de Montréal sont suffisamment formés. Une statistique encore d'actualité.

Mme Tremblay ignore le nombre de plaintes qu'elle reçoit chaque année concernant les résidences privées. «Mais ce qu'on note, c'est qu'il y a de plus en plus de plaintes lourdes. Et le nombre qu'on reçoit, c'est insignifiant par rapport à ce qui se passe réellement», dit-elle.

La plupart des plaintes reçues concernent le manque de personnel qualifié et les offres de services insuffisantes, indique Mme Tremblay.

Celle-ci rappelle que le seul critère de certification pour la formation du personnel en résidence privée est peu sévère. «Il doit y avoir en tout temps une personne majeure formée en réanimation cardio-respiratoire, en secourisme et en déplacement sécuritaire de personnes âgées», explique-t-elle.

L'appât du gain

Mme Tremblay rappelle que l'objectif des résidences privées, c'est de faire de l'argent. Elle note à ce sujet des situations pernicieuses, «principalement dans les établissements qui ne font pas leurs frais et qui manquent d'argent». «Certaines résidences vont garder des aînés en très lourde perte d'autonomie même si elles ne sont pas capables d'en prendre soin, par crainte de perdre un client et donc, un revenu», illustre-t-elle.

Mais Mme Tremblay refuse d'être pessimiste. Elle dit croire en chaque petit pas. «Avant, il n'y avait rien. Avec la certification, on peut se rendre dans les résidences. C'est un premier pas», dit-elle.

Le président du Réseau internet francophone Vieillir en liberté, Louis Plamondon, estime qu'en fermant 15% des lits en CHSLD depuis 2001, le gouvernement du Québec «planifie politiquement le délaissement des aînés».

M. Plamondon parle de «négligence sociale systémique» face à la maltraitance des aînés. «Toutes les preuves sont là montrant que les aînés sont en danger. Je ne sais pas ce qu'il manque pour que l'alarme sonne vraiment», dit-il.

La ministre responsable des Services sociaux, Lise Thériault, n'a pas rappelé La Presse, hier.