Il y a 50 ans ce mois-ci que les autorités médicales américaines ont autorisé la vente de la pilule anticonceptionnelle. Le Canada, qui n'a emboîté le pas que neuf ans plus tard, a tout de même été plus précoce que la France, qui n'a autorisé la pilule anticonceptionnelle qu'en 1973.

«La contraception était officiellement interdite au Canada mais, dans les faits, elle était en vente libre», explique Denyse Baillargeon, historienne à l'Université de Montréal, qui participe à un colloque sur le sujet dans le cadre du congrès de l'Association canadienne-française pour l'avancement des sciences, à Montréal. «Même si la loi interdisait la vente de moyens contraceptifs, les condoms et les stérilets se trouvaient dans les pharmacies. Dans les années 30, le procès d'une infirmière ontarienne qui distribuait des condoms dans des quartiers défavorisés s'était terminé par un acquittement. Le jury avait cru sa défense, selon laquelle elle avait agi pour le bien public. Ce n'était pas si inusité: dès la Première Guerre mondiale, le Canada distribuait des condoms à ses soldats. La loi de 1969 a tout de même constitué un progrès, notamment parce qu'elle a permis la vente de la pilule.»

 

La France a été retardataire à cause d'une peur profondément ancrée de la dépopulation. «La France a été l'un des premiers pays à observer une chute de natalité, dès le XVIIIe siècle, dit Mme Baillargeon. La contraception a été autorisée en 1967, mais les fonctionnaires ont retardé l'approbation de la pilule jusqu'en 1973. Ils invoquaient des questions de tests sur sa sécurité. Il faut dire que, à l'époque, la pilule était plus forte et provoquait plus d'effets secondaires.»

L'arrivée de la pilule n'a pas nécessairement accéléré les gains politiques des femmes, en cours depuis le début du siècle, selon Mme Baillargeon. «Mais elle a donné une capacité réelle de dissocier la sexualité de la procréation.»

Au Québec, les autorités médicales ont approuvé la pilule un an après sa condamnation formelle par le pape Paul VI. «Ça a vraiment provoqué une rupture entre les catholiques et l'Église, dit Mme Baillargeon. Les gens étaient incrédules. Il y a eu une désaffection. Les catholiques n'ont pas nécessairement cessé d'aller à la messe, mais ils ont perdu tout respect pour l'autorité morale du pape. Ils ont commencé à se faire leur propre morale.»