Plus de 48 000 Québécois sont atteints de maladies inflammatoires de l'intestin, une catégorie dont fait partie la maladie de Crohn. Ces maladies chroniques et douloureuses minent le développement de milliers d'enfants et d'adolescents. Et pourtant, des pas de géant ont été faits dans le traitement. Tout dépend d'une détection précoce.

Cette année, une lueur d'espoir est apparue pour les patients atteints de la maladie de Crohn.

L'étude canadienne GEM, dirigée de Toronto, a commencé à recruter des candidats. D'ici sept ou huit ans, elle devrait permettre de déterminer quels sont les facteurs de risque pour cette maladie inflammatoire de l'intestin.

 

«Nous allons suivre pendant cinq ans 5000 parents proches de patients atteints de la maladie», explique Pierre Paré, gastroentérologue au Centre hospitalier de l'Université Laval qui participe à GEM (génétique, environnementale, microbienne).

«Ils seront évalués avant qu'ils aient la maladie, alors qu'ils sont en bonne santé. Ils auront tous en bas de 35 ans, la période où la majorité des patients reçoivent leur diagnostic. On mesurera une foule de données, les infections qu'ils ont eues bébé, la perméabilité de leur intestin, leur système immunitaire intestinal, les bactéries intestinales. On trouvera peut-être quel est le terreau fertile pour ces maladies.»

L'étude GEM sera d'autant plus importante que le diagnostic rapide est un facteur crucial pour la qualité de vie des patients.

«Tout dépend de la vitesse avec laquelle le médecin utilisera les traitements disponibles pour trouver celui qui convient, dit le Dr Paré. Dans certains cas, la maladie est asymptomatiques, on la découvre lors de colonoscopie pour un cancer du côlon, ça m'arrive deux fois par an. Mais la plupart du temps, il y a des symptômes plus ou moins importants jusqu'à ce qu'on en arrive à la rémission. Le délai se raccourcit depuis une vingtaine d'années, mais il y a encore place à l'amélioration.»

Les maladies inflammatoires de l'intestin une catégorie qui inclut la maladie de Crohn et la colite ulcéreuse sont chroniques, ce qui signifie qu'il faut continuer la médication toute sa vie. Le diagnostic est fait par mesure de l'inflammation par une prise de sang ou une endoscopie ou en radiologie avec la mesure de l'épaisseur des parois de l'intestin.

Les versions les plus sévères de la maladie sont aussi celles qui sont traitées le plus rapidement.

Diagnostic

«Le diagnostic est en général une question de mois, six à huit», explique le gastroentérologue Louis-Charles Rioux, qui fait des cliniques pour la maladie de Crohn à l'hôpital Maisonneuve-Rosemont.

«Les douleurs abdominales, le sang dans les selles, ça peut représenter plusieurs maladies. Ça peut aller jusqu'à deux ou trois ans s'il n'y a pas trop de symptômes et si c'est un patient qui n'aime pas trop aller voir le médecin. Les diagnostics les plus rapides sont les cas les plus aigus, un patient qui a 25 selles par jour et qui se rend aux urgences.»

Une étude allemande de 2001 montrait que le délai entre les premiers symptômes et le diagnostic dépassait un an dans un cas sur deux et une étude norvégienne de 2007 montre que cinq ans après le diagnostic, seulement 16% des patients avaient des symptômes nuisant à leurs activités quotidiennes.

Les traitements sont avant tout pharmacologiques, avec au premier plan des immunosuppresseurs qui limitent l'activité excessive du système immunitaire de l'intestin, selon le Dr Paré. Les effets secondaires sont assez rares. Il y a peu d'interventions nutritionnelles, à l'exception de mesures comme éviter les fibres quand le patient a la diarrhée, selon le Dr Rioux.

«Il y a aussi beaucoup de patients qui ont de la difficulté à accepter leur maladie, dit le Dr Rioux. Ils peuvent avoir besoin d'aide psychologique. Ce n'est pas toujours facile d'avoir à ralentir ses activités quand on a 20 ans.»

La maladie se déclare généralement dans la vingtaine, avec un second pic moins élevé dans la cinquantaine.

Traitements

Le moment de cette apparition complique les projets d'avoir des enfants. «Les femmes qui désirent avoir des enfants devraient être suivies de près avant la conception», explique Heiko Rath, gastroentérologue de l'Université de Ratisbonne qui a publié une étude sur le sujet en 2001.

Le traitement se complique avec l'apparition de maladies «extra-intestinales», vraisemblablement d'autres problèmes auto-immunitaires reliés aux mêmes gènes.

Une étude canadienne de 2001 fixait à 6,4% la proportion des patients qui en ont une, en particulier des rougeurs aux yeux et des problèmes cutanés, ainsi que de l'arthrite.

Le Canada a l'une des prévalences les plus élevées au monde des maladies inflammatoires de l'intestin avec la Scandinavie.

«Il y a certainement un effet climatique, peut-être à cause du temps que les gens des pays nordiques passent à l'intérieur, en contact avec des microbes, dit le Dr Rioux. Les pays développés semblent aussi avoir un taux plus élevé, peut-être parce que dans les sociétés plus aseptisées les enfants sont moins en contact avec les microbes et y sont moins préparées. Ensuite, leur système immunitaire réagit trop fortement.»

Étude GEM : www.gemproject.ca/home.jsp?lang=fr

 

Les maladies Inflammatoires de l'intestin en chiffres

Un Canadien sur 160 a une maladie inflammatoire de l'intestin (MII), un taux 1,5 à 2 fois plus élevé qu'aux États-Unis et dans le nord de l'Europe.

> Au Québec, 21 000 personnes sont atteintes de colite ulcéreuse et 27 000 de la maladie de Crohn.

> Plus de 9200 Canadiens reçoivent chaque année un diagnostic de MII.

> Les femmes ont 30% plus de risque de maladie de Crohn que les hommes; il n'y a pas de différence entre les sexes pour la colite ulcéreuse.

> La maladie de Crohn augmente de 47% le risque de mortalité prématurée, en particulier du cancer colorectal.

> La maladie de Crohn apparaît le plus souvent vers 25 ans.

> La colite ulcéreuse apparaît le plus souvent vers 27 ans.

> Les absences courtes dues aux MII durent en moyenne 7,2 jours.

> Les personnes atteintes de MII ont un taux de participation à la vie active quatre fois plus faible que la population en général (3% contre 13%).

SOURCES: Fondation canadienne des maladies inflammatoires de l'intestin