Le ministre des Finances amorce cette semaine une ronde de consultations avec les principaux intervenants du milieu médical pour obtenir leur point de vue sur le projet controversé de ticket modérateur. Un projet qui pourrait toutefois être tué dans l'oeuf à la lumière de la grogne qu'il a déjà suscitée.

Catherine Poulin, attachée de presse de Raymond Bachand, a confirmé à La Presse, hier, qu'une série de rencontres à caractère «privé et confidentiel, de type préparatoire» sont à l'agenda du ministre. Elle a précisé que le «ticket orienteur», comme l'appelle le gouvernement, n'est pour l'instant que l'une des solutions envisagées pour régler les problèmes de financement dans le réseau de la santé.

«Il n'y a absolument rien de définitif, de décidé dans ce projet, a expliqué Mme Poulin. Il faut inventer un modèle québécois, ce qui n'est pas fait, et il faut voir ce que les gens en pensent. Ce sont des rencontres préparatoires au cours desquelles on va demander à nos partenaires, de façon générale, comment on peut faire pour assurer le financement de la santé à long terme en maintenant le panier de services et en limitant la croissance des dépenses à 5% par année.»

Sans être en mesure de préciser une date ou une échéance, on ajoute au cabinet que le ministère des Finances prévoit des consultations publiques plus larges, mais elles pourraient toutefois ne pas avoir lieu où être modifiées si le projet de ticket modérateur est abandonné. Il reste que le gouvernement doit combler un déficit de 500 millions dans le système de soins médicaux.

L'autre mesure annoncée dans le budget provincial - la contribution que devra verser chaque Québécois, qui atteindra 200$ en 2012 - sera aussi abordée. Mais il est déjà clair qu'elle sera tout au plus modulée selon les revenus puisqu'elle a déjà été approuvée à Québec, le 1er juillet dernier: elle sera de 25$ par contribuable pour l'année d'imposition 2010.

Mesure mal ficelée

Le Dr Gaétan Barrette, président de la Fédération des médecins spécialistes du Québec (FMSQ), prévoit rencontrer le ministre après une rencontre avec son conseil d'administration, la semaine prochaine. Mais il voit mal comment le ticket modérateur pourrait être implanté alors que le gouvernement a peine à appliquer la loi sur les médicaments qui lui permet de récupérer au moins 300 millions de dollars.

«On pourra dire ce qu'on voudra de Raymond Bachand, il reste que, contrairement au ministre de la Santé, lui, au moins, il consulte les gens, estime le Dr Barrette. L'opinion exprimée par mes collègues au conseil d'administration repose sur le principe qu'il ne faut pas mettre un frein à l'utilisation des services, explique le Dr Barrette. Donc, même si le gouvernement le voit comme un ticket orienteur, c'est très difficile de le vendre parce qu'il faudrait que le patient paye s'il ne va pas au bon endroit. Cette mesure est mal ficelée et, soit dit en passant, elle est mal vendue à défaut d'être invendable. Le principe la justifie, mais la culture l'interdit.»

Le président de la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec (FMOQ), le Dr Louis Godin, compte présenter une position encore plus tranchée au ministre Bachand, la semaine prochaine: on ne peut pas «taxer pas la maladie» au Québec. Point final.

«C'est tout simplement impensable. Un ticket modérateur aurait un effet limitatif pour certains patients, qui vont préférer retarder ou reporter une consultation avec pour conséquence que les problèmes de santé à traiter vont s'aggraver», affirme le Dr Godin.

Lui et les dirigeants des regroupements de médecins de famille du Québec ont émis de sérieuses mises en garde, au printemps dernier, sur l'impossibilité de gérer une franchise sur la santé, notamment quand un patient se présente sans avoir les moyens de payer. Le président du Collège des médecins du Québec, le Dr Yves Lamontagne, est lui aussi contre le ticket modérateur.

Outre les fédérations de médecins, le ministre des Finances compte consulter la présidente de l'Ordre des infirmières et infirmiers du Québec (OIIQ), Ghislaine Desrosiers, la présidente de la FIQ, Régine Laurent, ainsi que les représentants des différentes agences de santé et l'Association québécoise d'établissements de santé et de services sociaux.