Une équipe internationale dirigée par des chercheurs montréalais vient de comparer les gènes d'enfants autistes ou schizophrènes à ceux de leurs parents. Ils ont découvert que, contrairement à ce que plusieurs croyaient, ces maladies sont rarement héréditaires. Une grande proportion des enfants atteints semble plutôt victime de modifications génétiques spontanées, c'est-à-dire d'une erreur dans la copie de l'ADN de leurs parents.

Cette découverte permettra de diagnostiquer l'autisme et la schizophrénie plus rapidement et plus précisément, et de mieux évaluer leur prévalence. «On approche à grands pas de tests génétiques. Dans un ou deux ans, si on a les budgets, on pourra les utiliser et intervenir plus tôt auprès de ces enfants, ce qui est crucial», se réjouit le Dr Guy Rouleau, directeur du Centre de recherche du CHU Sainte-Justine, qui a dirigé l'étude.

En déterminant quels gènes sont touchés chez les jeunes malades, les tests «aideront à classifier la forme de la maladie et, éventuellement, à déterminer le traitement approprié, ce qui est le but ultime», précise le Dr Rouleau.

Dans un avenir un peu plus lointain, les femmes enceintes qui subissent une amniocentèse pourront même savoir si leur futur bébé souffrira de ces maladies potentiellement dévastatrices.

Aujourd'hui, le dépistage de l'autisme et de la schizophrénie est ardu, et recevoir un diagnostic peut prendre des mois, voire des années.

«Notre étude propose une façon très différente de penser à la cause génétique. Ça nous ouvre tout un domaine très novateur», affirme le Dr Rouleau, dont l'étude est publiée dans l'American Journal of Human Genetics.

Une fois qu'un gène a été modifié (ou en quelque sorte «endommagé»), il se transmet tel quel. Les autistes et les schizophrènes sont donc bel et bien susceptibles de transmettre leur maladie à leurs enfants, mais peu d'entre eux fondent une famille, et leurs parents courent très peu de risques d'avoir un deuxième enfant atteint. «Le risque n'est pas de 25% ou 50%; il est beaucoup plus faible, précise le Dr Rouleau. Cela peut rassurer les parents et les déculpabiliser.»

Les mutations observées par les chercheurs surviennent la plupart du temps dans les spermatozoïdes, surtout lorsque le père est âgé et que la qualité génétique de son sperme s'est dégradée. À l'inverse, l'alcool, les pesticides ou les rayons X auxquels le foetus a pu être exposé ne sont nullement en cause.

L'environnement provoque-t-il une accélération des mutations génétiques? Aucune étude ne permet de le dire, répond le Dr Rouleau, sa recherche étant l'une des deux seules à mesurer le taux de mutations chez l'homme.

«On pense observer ici le taux d'erreur normal de la machinerie humaine. Recopier le génome, c'est un peu comme recopier l'ensemble de l'encyclopédie Britannica. Il y aura forcément des fautes», dit-il.

Pour la moyenne des gens (comme dans le groupe-témoin de l'étude), le taux d'erreur est néanmoins faible. Sur deux personnes (qui comptent chacune 20 000 gènes), un seul gène aura subi une nouvelle modification.

Dans le cas des 285 enfants autistes et schizophrènes de l'étude, c'est une autre histoire: les chercheurs ont trouvé presque cinq fois plus de mutations. «Et alors qu'on se serait attendus à voir des mutations peu dommageables, la majeure partie d'entre elles étaient très dommageables, précise le Dr Rouleau. Une modification peut survenir n'importe où. À certains endroits, c'est sans conséquence, mais si elle tombe sur le mauvais gène, la maladie apparaît.»

Le chercheur a pu établir que c'est exactement ce qui est survenu chez 5% des 285 enfants autistes et schizophrènes de son étude. Mais cette proportion devrait sans doute être multipliée par 10 puisqu'il a analysé les mutations affectant 401 des 20 000 gènes humains. «Si on extrapole, dit-il, on peut facilement parler de mutations spontanées dans la moitié des cas d'autisme et de schizophrénie.»