Dimanche midi, plein soleil. Rassemblées dans un parc de la Rive-Sud, une vingtaine de personnes s'apprêtent à vivre une initiation au yoga du rire. J'en suis. Ici, pas de salutation au soleil ni de posture de l'enfant. Pendant plus d'une heure, on s'entraînera plutôt à respirer profondément et à rire comme jamais. Un jeu d'enfant? Oui et non. Pas facile de rire sans raison!

«Avec le yoga du rire, on s'entraîne à rire. On n'attend pas d'avoir une raison pour s'esclaffer. On rit et, par l'action, on crée l'émotion. Au début, le rire est forcé, il faut apprendre à laisser son ego de côté, à oublier la peur du ridicule, indique l'animatrice Johanne Bouchard, formée à l'École du yoga du rire. À force de pratiquer, on en vient à rire de bon coeur spontanément comme un enfant.»

Ne devient pas expert du rire qui veut, a-t-on appris à nos dépens. Après quelques étirements et des exercices de respiration, l'animatrice propose l'exécution d'un premier rire: le rire d'accueil. «Serrez-vous la main les uns les autres et riez de bon coeur pendant quelques secondes.» Pas sorcier, dites-vous. Le défi est de répéter l'exercice avec chacun des participants les yeux dans les yeux. «Ce n'est pas évident de rire avec quelqu'un qu'on ne connaît pas», lance un participant. À qui le dites-vous!

Photo: Bernard Brault, La Presse

Au bout de quelques minutes, les lèvres finissent par se fatiguer, leur contraction finit par ressembler à un rictus, voire une grimace. Les muscles abdominaux manifestent leur présence. On veut rire, mais notre corps en a assez. «Ça donne chaud», lance une femme, l'air épuisé. Et ça ne fait que commencer.

En multipliant les face-à-face, on exécutera le rire du timide, le rire du cellulaire, le rire silencieux, le rire du ventre. Sur les fronts, la sueur commence à perler. «Le rire, c'est cardio et, en plus, ça fait travailler vos abdos», souligne l'animatrice. Sur ce, elle nous invite à nous asseoir en cercle pour un fou rire général de... 10 minutes! Un vrai défi.

Monique, habituée, donne le rythme malgré elle avec un rire fort et gras, grandement communicatif. «Ça jaillit comme ça. C'est si intense que je dois me moucher, ça agit comme un véritable expectorant.» Elle assiste aux cours de yoga du rire depuis près d'un an et se réjouit d'avoir retrouvé son côté «ricaneux», enfoui après l'enfance. «Une fois adulte, on n'a plus le droit de rire pour rien. On se fait regarder de travers, on a l'air ridicule, c'est dommage. Quand on rit, on ne pense à rien d'autre, on vit l'instant présent, dit-elle en reprenant son souffle. C'est merveilleux parce que c'est accessible à tous. Pas besoin de technique, de coordination ou de force et ça fait tellement de bien.»

«Le rire, c'est sérieux»

Plus la séance avance, plus je me sens détendue, sereine et étonnamment à l'aise avec ces inconnus qui, par la force des choses, le sont un peu moins. Tous semblent vivre cette sensation. Avant de partir, Johanne nous propose de méditer (assis sur nos tapis, les yeux fermés) sur la question suivante: «Comment pouvez-vous rire davantage dans votre quotidien?»

«Parce qu'on n'a presque plus d'occasions de rire, ce cours permet de lâcher prise et de fraterniser, indique Johanne Bouchard. Le rire, c'est sérieux. Vu de l'extérieur, ça a l'air loufoque, mais les bienfaits sont réels.»

D'où vient le yoga du rire?

En 1995, le Dr Madan Kataria, médecin généraliste en Inde, a mis au point le Yoga du rire - ou Rire sans raison. Avec sa femme, Madhuri, professeure de yoga, il a créé des techniques qui allient respirations profondes, étirements et exercices qui stimulent le rire, toujours de façon ludique. Sa devise? «On ne rit pas parce qu'on est heureux. On est heureux parce qu'on rit!» Le cours compterait des centaines de milliers d'adeptes dans le monde. Au Québec, le phénomène est récent, mais les Québécois seraient de plus en plus nombreux à se bidonner en groupe. www.yogadurire.com ou www.clubderirequebec.com

Photo: Bernard Brault, La Presse