Les risques encourus par la femme enceinte qui fume et son bébé restent encore trop méconnus, avec 36 pour cent des futures mamans qui débutent leur grossesse en fumant et 22 pour cent qui continuent à fumer au moment de l'accouchement, selon une enquête de l'association française Droits des non-fumeurs (DNF) publiée lundi, à la veille de la Journée mondiale sans tabac.

Les femmes ont «une connaissance très vague des dangers, une idée très imprécise des conséquences réelles» du tabagisme, regrette le professeur Gilbert Lagrue, professeur honoraire à l'Hôpital Albert-Chenevier de Créteil, qui a supervisé le rapport.DNF a mené, dans le cadre d'un appel à projet du ministère de la Santé une étude de la consommation de tabac de la femme enceinte via l'analyse des forums de discussion dédiés à la grossesse.

Plus de 1545 messages (questions et réponses) sur le tabac ont été analysés et les résultats complétés par une mini-enquête en ligne du 11 au 30 avril dernier auprès de 156 mères, en partenariat avec le site magicmaman.com.«Face à ce sujet tabou, les femmes culpabilisent beaucoup, mais osent dire la vérité sur leur consommation» grâce à l'anonymat qu'offre le Net, souligne Céline Fournier, responsable de la communication de DNF.

Dans cette étude, il apparaît que les futures mamans françaises n'ont pas conscience des conséquences de leur tabagisme pour leur enfant, voire qu'elles entretiennent sur les forums de discussion des idées reçues parfois relayées par leur médecin. À titre d'exemple, réduire la consommation du tabac serait suffisante pour ne pas nuire à l'enfant.Pour le professeur Lagrue, «cela participe de la méconnaissance générale qui existe sur le tabac, cela reste flou et lointain, c'est toujours pour les autres comme les accidents de voiture».

Mais les données scientifiques existent: fumer a des conséquences avant même la conception de l'enfant, car le tabac entraîne «un délai plus long pour tomber enceinte, puis favorise les grossesses extra-utérines et les fausses couches précoces», a-t-il rappelé à l'Associated Press.De plus, il entraîne «un développement foetal ralenti: une plus petite taille et un moindre poids, une altération du développement de certains organes» et, sur le long terme, «l'imprégnation du cerveau pendant la grossesse va être à l'origine chez l'enfant de troubles psycho-comportementaux», comme l'hyperactivité.Face à des tels risques, les professionnels de santé restent démunis et certains préfèrent conseiller à leur patiente de réduire la consommation plutôt que de la «stresser» avec le sevrage.

Mais «si une femme diminue de moitié le nombre de cigarettes et ne reçoit pas de nicotine en compensation, elle augmente son inhalation et le tabagisme n'est pas réduit de moitié pour autant, souligne le professeur Lagrue. Le stress n'est pas bon, mais la cigarette est toujours plus nocive».Certains pensent également qu'il ne faut pas prescrire de «patch» de nicotine à une femme enceinte pour l'aider à surmonter sa dépendance, alors que la nicotine médicamenteuse peut tout à fait être utilisée, explique le professeur Lagrue. Mais la clé du sevrage reste la motivation et «la stratégie comportementale» avec un accompagnement par un addictologue, «sans jamais stigmatiser la maman».