Le microbiologiste Karl Weiss, de l'hôpital Maisonneuve-Rosemont, à Montréal, vient de publier une importante étude qui démontre que les gouvernements peuvent limiter la consommation d'antibiotiques en donnant des directives claires aux médecins qui les prescrivent. Au Québec, les recommandations faites à ce sujet par le gouvernement en 2005 ont permis d'économiser 2000$ par tranche de 1000 habitants. Une économie qui devrait inspirer d'autres gouvernements, selon le Dr Weiss.

En 2003-2004, les hôpitaux du Québec ont été frappés par une éclosion de cas de C. difficile. Parce que le lien entre consommation excessive d'antibiotiques et résistance à ces produits a été maintes fois prouvé, le gouvernement a conçu dans les mois suivants, avec l'aide de la communauté médicale, un guide d'utilisation des antibiotiques.

Ce guide visait à inciter les médecins à prescrire les antibiotiques de la bonne façon. On y donnait notamment les indications cliniques à respecter pour chaque antibiotique afin d'éviter les ordonnances inutiles. «Environ 80% des antibiotiques se consomment hors des hôpitaux. On visait surtout ces ordonnances», explique le Dr Weiss.

Environ 30 000 exemplaires du guide ont été distribués aux médecins et aux pharmaciens, et il a été téléchargé pas moins de 200 000 fois sur le site du Conseil du médicament.

Les effets ont été surprenants, selon l'analyse du Dr Weiss, publiée hier dans la revue Clinical Infectious Diseases. Dans l'année qui a suivi la publication du guide, le nombre d'ordonnances d'antibiotiques a diminué de 4,2% au Québec alors qu'il a augmenté de 6,5% dans le reste du Canada «Le gouvernement a ainsi économisé environ 2000$ par tranche de 1000 habitants. Ce n'est pas négligeable», note le Dr Weiss.

Selon le chercheur, cette diminution du nombre d'ordonnances d'antibiotiques est d'autant plus intéressante qu'elle s'est poursuivie dans le temps. «On peut vraiment conclure que le guide a été efficace, dit-il. Je crois que certains gouvernements pourraient être intéressés par cette initiative.»

Dans sa dernière recherche, le Dr Weiss n'a pas analysé si la baisse de consommation d'antibiotiques au Québec a permis de diminuer la résistance à ces substances. «Mais on peut penser que oui. Il faudrait vérifier», dit-il.