Chaque jour, près d'un travailleur sur cinq se présente à son poste en détresse psychologique sérieuse, révèle une vaste étude commandée par le ministère du Travail, qui trace un portrait plutôt sombre des conditions d'emploi au Québec.

L'étude a été réalisée auprès de 5000 travailleurs par l'Institut de recherche Robert-Sauvé en santé et en sécurité du travail, un organisme partiaire (salariés et employeurs) financé par la CSST.

Des chercheurs de l'Institut national de santé publique du Québec, de l'Institut de la statistique du Québec, de l'UQAM et du centre de santé et de services sociaux Québec-Sud y ont aussi contribué.

Les résultats démontrent que 18% des travailleurs présentent un niveau élevé de détresse psychologique. La situation est pire chez les femmes (21,7%) que chez les hommes (15%). Les réponses tendent à démontrer un lien entre la précarité d'emploi et la détresse psychologique.

La précarité est d'ailleurs le lot d'une part importante des travailleurs. Près de 36% d'entre eux, soit 1,3 million de personnes, disent vivre un taux élevé d'insécurité d'emploi, c'est-à-dire qu'ils ont vécu du chômage récemment ou qu'ils se considèrent à risque de perdre leur emploi sous peu.

Plus de 7% des travailleurs rapportent souffrir de symptômes dépressifs qu'ils associent directement à leur travail. Encore là, la situation est pire chez les femmes (9,6%) que chez la gent masculine (5,4%). La majorité des dépressifs ne se sont pas absentés du travail pour se soigner.

Plutôt que de prendre du repos, certains se tournent vers les pilules: les chercheurs estiment que plus de 400 000 travailleurs québécois ont régulièrement recours à des médicaments pour réduire leur anxiété, se remonter moral ou aider à dormir.

Plus de 528 000 travailleurs subiraient en outre du harcèlement psychologique au travail. Ils seraient 90 000 à subir du harcèlement sexuel et 69 000 à avoir subi de la violence.

Et ceux qui souffrent n'ont pas seulement mal à l'âme: un travailleur sur cinq rapporte que son emploi a entraîné des douleurs physiques importantes ressenties souvent et qui dérangent ses activités.

Le Conseil du patronat, la Fédération des chambres de commerce, la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante et l'Association des manufacturiers et exportateurs ont rejeté en bloc, hier, les conclusions de l'étude.

Sans remettre en cause sa méthodologie, ils déplorent qu'un document financé par la CSST et les fonds publics «nuise de façon aussi marquée à la perception que les Québécois sont susceptibles d'avoir des conditions de travail existantes au Québec».

Les associations patronales estiment que les Québécois doivent réaliser qu'ils jouissent de conditions de travail parmi les plus généreuses en Amérique du Nord.

Des chiffres

>54% des répondants disent s'être présentés au travail alors qu'ils étaient trop malades pour le faire.

> Les travailleurs de 15 à 24 ans affichent généralement de moins bonnes conditions de travail que les plus âgés.

> 23% des étudiants à temps plein qui travaillent le font plus de 30 heures. Ils sont 10% à travailler plus de 40 heures.

> Chez les 25 ans et plus, 48% des femmes et 65% hommes travaillent les fins de semaine.

> Outre les travailleurs autonomes et ceux qui gagnent moins de 20 000$ par année, les employés du secteur de l'enseignement sont parmis ceux qui souffrent le plus de la précarité.