Encore aujourd'hui, surtout aux États-Unis, il existe des médecins qui prônent la thérapie comportementale pour «guérir» ces enfants mal dans leur sexe. Shuvo Ghosh, pédiatre du développement et du comportement à l'Hôpital de Montréal pour enfants, n'est pas de cette école. À l'avant-garde dans un domaine où peu d'experts se bousculent, c'est vers lui que sont dirigés la quasi-totalité des cas au Québec. Nous l'avons interrogé.

Q- Qu'est-ce qu'un trouble de l'identité de genre?

R- Cela touche environ 1% de tous les enfants. Avant 6 ans, on parle plutôt d'une variance du genre: le comportement est atypique pour le genre anatomique. C'est le cas d'un gars qui veut jouer avec des poupées Barbie, d'une fille qui veut jouer au football. Après 6 ans, à l'âge scolaire, la plupart des enfants se rangent et ne parlent plus de genre. Mais chez certains enfants, la discussion se poursuit: le garçon parle toujours autant de princesses. Puis, juste avant le secondaire, l'enfant qui a un trouble (0,25%) rejette carrément son sexe, ses organes génitaux.

 

Q- Comment expliquer ce trouble?

R- Dans la plupart des cas, les études scientifiques suggèrent un changement du cerveau de l'enfant pendant la grossesse de la mère. Pourquoi? C'est difficile à dire. Peut-être y a-t-il eu un changement oestrogène actif dans le milieu de la mère? Toujours est-il que le cerveau de l'enfant est modifié. Si, généralement, un garçon pourvu d'organes génitaux masculins a un cerveau plus masculin, l'enfant qui a un trouble a donc un cerveau plus féminin.

Q- Quel est l'intérêt de bloquer les hormones à l'adolescence? Est-ce risqué?

R- Pour les filles qui veulent devenir des garçons, on utilise de l'Histrelin (remboursé dans certains cas par la RAMQ); pour les garçons, du Spironolactone. On utilise ces bloqueurs (NDLR: dont l'effet est entièrement réversible) pour donner un an ou deux aux jeunes pour penser à leur décision. Plus longtemps, on ne connaît pas les conséquences. Peut-être que la taille et la croissance seraient ralenties? Mais 24 mois, c'est sans risque. Ensuite, si la décision est éclairée, s'il y a certitude, on peut passer au traitement aux hormones, généralement autour de 18 ans. Le but des bloqueurs, finalement, c'est de prévenir les erreurs médicales.

Q- Avez-vous confiance en l'avenir de ces enfants?

R- Oui et non. Pour les enfants, oui. Les familles, oui. Mais nous avons beaucoup de travail à faire, comme société, pour mieux accepter ces différences.