Obésité, trouble du déficit d'attention, diabète, hypertension, anxiété, hyperactivité et autres désordres. Y a-t-il un lien entre tous ces maux dont souffrent de plus en plus nos enfants? François Cardinal répond «oui». Plusieurs études démontrent qu'ils auraient une cause commune: le fait que les enfants jouent de moins en moins dehors. L'éditorialiste de La Presse s'intéresse à ce mal de société dans son deuxième essai, intitulé Perdus sans la nature.

Le mot «nature» doit être compris dans son acception la plus large, comme l'explique le sous-titre «Pourquoi les jeunes ne jouent plus dehors et comment y remédier». L'auteur brosse d'abord le portrait, puis offre des solutions concrètes qui aideront parents, professeurs et décideurs à faire bouger les choses, à modifier des habitudes nuisibles (mais bien souvent inconscientes) et à tenter de renverser une situation qui n'a rien de bon.

L'idée de ce livre a commencé à mijoter dans la tête du journaliste lorsqu'il a déménagé dans une banlieue dite familiale. «En arrivant, avec mon fils de 4 ans, j'ai tout de suite acheté des buts de soccer et de hockey, installé un panier de basketball. Mais quand est venu le temps de jouer dans la rue, comme je le faisais enfant à Québec et qu'on passait la journée dehors, j'ai vite réalisé que nous étions seuls. Et pourtant, le quartier est plein d'enfants», raconte le papa.

Que font-ils, ces enfants? Ils jouent seuls dans leur cour, sous la supervision un peu trop étroite de leurs parents ou, pire, ils jouent à l'intérieur, regardent la télévision, sont rivés à leur écran d'ordinateur ou à leur iPad.

Puis l'auteur est tombé sur une lettre signée par 270 experts de l'enfance et publiée par le Daily Telegraph, dans laquelle on faisait un lien direct entre les problèmes de santé chez les jeunes et le déclin du jeu extérieur et non structuré. C'est devenu le moteur de son enquête. Ses recherches lui ont ensuite fait découvrir un grand nombre d'études sur le sujet.

Terrain d'observation

Sa vie familiale (en plus de son fils, qui a aujourd'hui 7 ans, François Cardinal a deux belles-filles, de 11 et 14 ans) a tout naturellement été un terrain d'observation et d'expérimentation très fertile. Le journaliste a fait une Lenore Skenazy* de lui-même en menant quelques petites expériences - parfaitement inoffensives - avec son fils.

«Lorsqu'on sort du train, on peut emprunter deux chemins pour se rendre à la maison, qui n'est pas loin, raconte-t-il. Un soir, je lui ai dit de choisir son chemin, puis j'ai pris l'autre. Lorsque nous nous sommes rejoints à la maison, mon fils jubilait. Il était tellement fier. J'ai appris qu'il fallait que je mette parfois mon enfant dans des situations un peu difficiles pour lui permettre d'évoluer.»

Une autre anecdote: «Avant, j'allais toujours dans un parc avec un module de jeu. Un jour, j'ai décidé d'aller dans un parc où il y a seulement une sculpture de la Deuxième Guerre mondiale, qui n'est même pas accessible. J'ai vu mon enfant se transformer. Il s'est mis à créer tout un scénario. Son imaginaire s'est enflammé.»

François Cardinal n'a qu'un seul souhait pour accompagner la sortie de son livre: que celui-ci mène à une prise de conscience. «Nous sommes tous pris dans le tourbillon de la vie. Mais si nous pouvions voir la situation globalement, nous réaliserions que nous enfants ne bougent plus. Ils sont assis dans l'auto pour voyager, assis toute la journée à l'école, assis à table pour souper et pour faire leurs devoirs, assis dans le bain.

«Il est temps de se réveiller», lançait en 2007 Jean-Pierre Després, directeur scientifique de la Chaire internationale sur le risque cardiométabolique de l'Université Laval. «Il est totalement contraire à l'éthique de garder nos enfants prisonniers d'un mode de vie aussi sédentaire», déclarait-il, en parlant des écoles. «Qualifiant l'environnement scolaire de nos enfants de «toxique», il ajoute qu'il est «intolérable» que cela se déroule dans notre «société civilisée»», rapporte François Cardinal dans son livre.

Et dire qu'on demande en plus aux enfants d'avoir un souci plus grand pour la santé de la planète, rappelle celui qui est également chroniqueur en environnement à l'émission C'est bien meilleur le matin, à la Première Chaîne de Radio-Canada. «Peut-être faudrait-il d'abord qu'ils sachent de quoi elle est faite, cette planète!» lance-t-il.

*La journaliste américaine, auteure du livre et du blogue Free-Range Kids, s'était fait traiter de «pire mère en Amérique» pour avoir laissé son fils de 9 ans prendre le métro seul.

Perdus sans la nature, de François Cardinal, est publié aux éditions Québec Amérique, 201 pages.