Les bébés pourront bientôt mâchouiller leurs canards en plastique sans risquer une perturbation endocrinienne. La ministre fédérale de la Santé, Leona Aglukkaq, a annoncé hier que l'usage de six phtalates dans divers jouets et articles de puériculture serait limité à compter de juin.

«L'exposition aux phtalates, même à un faible niveau, peut affecter le développement des enfants et leur comportement», a dit Mme Aglukkaq, elle-même mère d'un fils de 2 ans. Les phtalates sont des produits chimiques couramment utilisés pour assouplir le plastique.

Ces produits chimiques, qui peuvent migrer dans le corps humain, sont des perturbateurs hormonaux. Ils sont «soupçonnés d'être en lien avec l'obésité et des malformations testiculaires», a indiqué Rick Smith, directeur d'Environmental Defence Canada.

M. Smith a fait tester les jouets de ses deux garçonnets «et les résultats étaient horribles», a-t-il souligné. Une balle bleu-blanc-rouge, qu'ils mettaient dans leur bouche, contenait «une très grande quantité» de phtalates.

Pas d'avis aux commerçants

Pour l'heure, les produits pour enfants contenant des phtalates restent sur les tablettes. «Nous n'avons reçu aucun avis de Santé Canada à ce sujet, vous nous l'apprenez, a dit hier à La Presse Hélène Bisson, vice-présidente aux communications du Groupe Jean Coutu. C'est sûr qu'on va agir rapidement.»

«J'imagine que nous avons des articles contenant des phtalates, puisque généralement, quand ce n'est pas le cas, c'est indiqué sur l'emballage, a ajouté Fanny Jean, responsable des achats à la boutique pour bébés Rose ou bleu, de Montréal. S'il y a un quelconque doute sur leur dangerosité, on va les retirer.»

Louis St-Laurent, conseiller scientifique à l'Institut national de santé publique, s'est fait rassurant. «Il n'y a pas de quoi s'alarmer, c'est plus une question de principe de précaution», a-t-il dit. Aux concentrations actuelles, même si un enfant mâchouille un jouet, il est peu probable qu'il soit exposé à une dose suffisante de phtalates pour qu'il y ait des effets, à son avis.

Les shampoings épargnés

Depuis 1998, l'industrie a cessé volontairement d'utiliser les phtalates dans les sucettes, hochets, tétines et jouets de dentition. Mais ils sont toujours présents dans les autres jouets et articles pour bébé, comme les bavettes. Or, «les parents savent que les jeunes enfants mettent tout ou presque dans leur bouche», a souligné Mme Aglukkaq.

Le gouvernement fédéral va désormais «restreindre la concentration des phtalates dans les produits destinés aux enfants à 1000 mg par kg, soit un dixième de un pour cent», a précisé le député Pierre Poilievre. Rien n'est prévu pour limiter la présence des phtalates dans les shampoings, les crèmes et les produits n'étant pas destinés aux tout-petits comme les rideaux de douche ou les contenants.

Avec ces nouvelles règles, le Canada devient aussi strict que les États-Unis et l'Union européenne.