Ne cherchez pas le poisson du jour sur la carte du nouveau bistro-bar Zéro8 à Montréal. Sont refusés à l'entrée: noix, poissons, fruits de mer, sésame, lait, soja, oeufs, blé ou autres grains contenant du gluten. L'établissement unique en son genre a ouvert ses portes rue Saint-Denis, en janvier, et fait le pari d'offrir un menu exempt de huit des neuf principaux allergènes d'ici. Seulement les sulfites, difficiles à contrôler, obtiennent un laissez-passer. Même le vin, l'alcool et la bière y sont sans gluten.

«C'est un défi de tous les jours, mais il est possible de faire de la bonne cuisine sans allergènes, confie Steve Thomas, copropriétaire. Nous souhaitons offrir un endroit sécuritaire où les gens mangent en toute confiance. Jusqu'à maintenant, la réponse de la clientèle est bonne.»

 

Quelques plats proposés? On y sert des aiguillettes de canard fumé avec réduction balsamique, un jarret d'agneau braisé à l'orange et une mousseline banane au rhum avec gâteau cannelle et purée d'ananas. «Notre cuisine est d'inspiration française, mais tend peu à peu vers la cuisine du monde», indique M. Thomas.

Pour s'assurer de ne pas faire entrer d'allergènes, les propriétaires visitent régulièrement les entrepôts et les entreprises des fournisseurs. «Il faut bien faire comprendre aux fournisseurs le but du restaurant et sa façon de fonctionner. Au début, on ne nous prenait pas au sérieux.»

Pourtant, la situation est préoccupante. Selon l'Association québécoise des allergies alimentaires (AQAA), on estime qu'entre 151 000 et 300 000 personnes au Québec ont des allergies alimentaires. C'est 2 à 4% des adultes et 6 à 8% des enfants.

«Il y a une vingtaine d'années, les allergies alimentaires passaient inaperçues, mais les experts s'entendent pour dire aujourd'hui que le nombre de nouveaux cas a augmenté de façon considérable dans les deux dernières décennies», indique Claire Dufresne, auteure du guide Vivre avec les allergies alimentaires (Éditions La Presse). Diplômée en sciences infirmières, elle a été directrice générale de l'AQAA pendant 10 ans.

Cette augmentation est multifactorielle, dit Claire Dufresne, et pourrait être liée à l'aseptisation du milieu, l'industrialisation des aliments et l'introduction hâtive des aliments solides (avant six mois) au régime alimentaire des bébés. «Il n'y a pas d'âge pour développer une allergie alimentaire, même si la plupart apparaissent dans les premières années de vie.»

Il n'existe encore aucun remède, sauf l'abstention. Ou l'injection d'adrénaline en cas de crise allergique grave. Julie La Rochelle allaitait encore son fils Charles-Antoine quand elle a découvert qu'il souffrait d'allergies alimentaires très gravwes. Elle a dû retirer de son alimentation les principaux allergènes. «La première fois que je suis allée à l'épicerie, j'ai éclaté en sanglots dans l'allée, raconte-t-elle. Nous n'étions plus invités à souper nulle part; ma diète était trop complexe à gérer. Nous sommes épicuriens et, du jour au lendemain, on avait peur de manger. Nous étions dans un épais brouillard.»

Au bout de plusieurs essais culinaires, elle a fondé en 2007 les Aliments Ange-Gardien avec son conjoint Jean-Sébastien Lord. Des desserts sans arachides, sans noix, sans lait et sans oeufs. «Une allergie alimentaire, ce n'est pas un caprice, c'est une maladie sérieuse et potentiellement mortelle, insiste-t-elle. Il est heureusement possible de cuisiner, sans sacrifier ni le bon goût ni la texture des aliments.»

Mais ce n'est pas toujours simple, surtout quand vient le temps de décrypter les étiquettes. Pour aider les proches de personnes allergiques, le couple vient de lancer le livre de recettes, trucs et conseils Peut contenir des traces de bonheur (Éditions de l'Homme). Pour chaque recette, on indique quels allergènes communs elle contient. Le tout est validé par l'AQAA. «On a voulu offrir aux gens les informations utiles pour qu'ils évitent de vivre le même cauchemar que nous», dit Julie La Rochelle. Et garder le plaisir de bien manger.

 

Saviez-vous que...?

* La plupart des viandes froides contiennent des substances laitières.

* La sauce soya contient habituellement du blé.

* Beaucoup de sirops d'érable contiennent des traces d'oeufs et/ou de produits laitiers.

* La sauce Worcestershire contient des anchois.

* Le sucre à glacer contient du maïs.

* La noix de coco n'est pas une noix mais un fruit.

* Les épices, mélanges d'épices et assaisonnements peuvent contenir du blé, de la moutarde et d'autres allergènes.

* Pour les intolérants au lactose ou allergiques au lait, il existe une préparation à base de soya qui a la texture, le goût et l'apparence de la crème. On la trouve à l'épicerie et dans les magasins d'aliments naturels.

* Assaisonnée à l'ail et montée à l'huile d'olive, une émulsion de pommes de terre remplace aisément la mayonnaise.

* Le bocconcini peut être remplacé par du tofu ferme et la ricotta par du tofu mou.

* Le prosciutto est une des rares viandes froides à ne contenir que du porc, de l'eau et du sel.

* Il existe des substituts d'oeufs faits à partir de fécule de maïs et de fécule de pommes de terre.

Source : Peut contenir des traces de bonheur, Éditions de l'Homme.

À consulter:

> Peut contenir des traces de bonheur

Julie La Rochelle et Jean-Sébastien Lord,

Éditions de l'Homme (2009),

191 pages.

> Vivre avec les allergies alimentaires

(guide complet pour comprendre et prévenir les réactions allergiques) Claire Dufresne, B.Sc.inf.,

Éditions La Presse (2009).

Sur le web:

* Association québécoise des allergies alimentaires: www.aqaa.qc.ca

* Restaurant Zéro8: www.zero8.com

* Aliments Ange-Gardien: alimentsangegardien.com