Devant la multiplication des mets préparés dans les rayons d'épicerie, l'Américaine Jennifer Reese a entrepris de déterminer ce qu'il valait mieux cuisiner chez soi ou acheter fin prêt à être mangé. Récit d'une expérience aux résultats éclairants et parfois étonnants.

Quand elle a su que des sandwichs surgelés au beurre d'arachide et à la confiture étaient vendus dans les supermarchés américains, Jennifer Reese a été éberluée. Puis, elle a pensé qu'autrefois, les gens ont dû s'étonner qu'on puisse acheter du beurre d'arachide au lieu de le faire soi-même. Même chose pour le pain... et la confiture.

«Que vaut-il la peine de cuisiner, même si ça prend du temps? s'est demandé la journaliste, mère de deux enfants, qui habite à San Francisco. Que fait l'industrie mieux que nous, pour moins cher?»

Après avoir comparé des sandwichs au beurre d'arachide et à la confiture faits maison (frais, succulents, coûtant 51 cents) et surgelés (secs, écoeurants et coûtant 63 cents), Mme Reese a cru «que l'avenir de la civilisation était sauf». Il lui restait à tester les autres aliments consommés par ses concitoyens, du petit-déjeuner au dessert, pour déterminer ce qu'il vaut mieux faire ou acheter.

Son livre Make the Bread, Buy the Butter, paru chez Free Press, relate ses expériences culinaires avec humour. On y apprend que la chapelure est vendue plus cher au kilo que le boeuf haché («C'est complètement fou», souligne-t-elle), que peler la peau des noisettes pour concocter du Nutella rend dingue. Que commander les ingrédients pour faire un camembert réussi «prend cinq minutes si vous avez un ordinateur et une carte de crédit». Que le yogourt maison est plus frais, plus riche, plus dense que son équivalent commercial, ce qui n'empêche pas son fils d'avoir honte d'en manger à l'école.

Au fil des mois, le jardin de Mme Reese a accueilli 19 poules pondeuses, «belles et drôles», mais peu rentables en tenant compte des travaux de menuiserie et des attaques de lynx et ratons laveurs. Des canards «qui étaient comme des Hare Krishnas, toujours en train de chanter en groupe» y ont fait un (bref) séjour. Les chèvres, «des chiens qu'on n'a pas besoin de promener», l'ont enfin séduite.

Si l'élevage se justifie peu d'un point de vue économique, cuisiner s'est avéré souvent moins cher et meilleur. «J'ai été surprise, parce que je pensais que si on achetait de la nourriture industrielle, c'était justement pour épargner», a dit l'auteure à La Presse. Son livre donne plus de 120 recettes pour faire ses propres cornichons, humus et extrait de vanille à prix d'ami.

Faire ce qui nous plaît

Reste à trouver le temps de tout cuisiner. Jeune mère, l'auteure s'épuisait à préparer des poulets rôtis en rentrant du bureau, alors qu'elle aurait pu en acheter des tout chauds à l'épicerie, juge-t-elle aujourd'hui.

«Les gens devraient juste faire ce qu'ils ont envie de faire, conseille Mme Reese. Je fais beaucoup de pâtisseries, parce que j'adore ça. Je fais des bagels, des biscuits, mais je ne ferai plus de saucisses, beurk! Il n'y a rien que tout le monde doit absolument faire, sauf peut-être la chapelure, les croûtons, la vinaigrette, le maïs soufflé. Et le guacamole, parce que celui qu'on vend est si mauvais qu'il vaut mieux ne pas en manger. Pareil pour les crêpes surgelées, elles sont horribles.»

Ses constats font tout de même peur. «Les grandes entreprises agroalimentaires flattent notre ego en nous disant que nous sommes occupés et nous convainquent, simultanément, que nous sommes des incapables, écrit-elle dans son ouvrage. Plus nous nous sentons incapables, plus nos attentes leur paraissent minces, et la barre est désormais bien basse dans nos épiceries.»

Et si ce livre invitait les industriels à faire mieux? «Ce serait bien de trouver de meilleurs aliments au supermarché, dit Mme Reese. Mais je doute que ça arrive.»

Jennifer Reese tient un blogue en anglais, The Tipsy Baker: www.tipsybaker.com

Slon Jennifer Reese, il vaut mieux...



Cuisiner

> Extrait de vanille

> Beurre d'arachide

> Bouillon de poulet

> Chapelure

> Pains à hot-dog

> Humus

> Yogourt

> Guacamole

> Cacao pour chocolat chaud

> Tarte à la citrouille (avec purée de citrouille en conserve)

> Crème fouettée

> Camembert (essayer au moins une fois)

> Biscuits Oreo

> Poudings au caramel et au chocolat

Acheter

> Pain baguette

> Pains à hamburger

> Beurre

> Chips

> Chocolats fourrés

> Miel

> Tahini

> Sandwichs vietnamiens banh mi

> Enveloppes à dumplings

> Sashimi

> Prosciutto

> Lait de chèvre

> Cerises au marasquin

> Cornets à crème glacée

Source: Make the Bread, Buy the Butter, de Jennifer Reese, éditions Free Press