Le cornichon québécois est en voie de disparition. En 2011, le Québec a produit 5000 tonnes de ces petits concombres, un creux historique. C'est cinq fois moins qu'en 2000.

«Si on ne trouve pas de nouveaux débouchés, il n'y aura plus de production au Canada dans 10 ans, a dit à La Presse Judith Lupien, directrice générale de la Fédération québécoise des producteurs de fruits et légumes de transformation (FQPFLT). On est vraiment à un moment décisif.»

Vos cornichons extra-fins Crespo, achetés à l'épicerie, ont poussé en Inde. Les cornichons tranchés Habitant? «Ils sont maintenant préparés aux États-Unis», a indiqué Maribeth Burns Badertscher, vice-présidente aux communications de J.M. Smucker, qui possède la marque Habitant. L'entreprise américaine a fermé en novembre sa dernière usine canadienne de cornichons, l'usine Bick's, à Dunnville, en Ontario.

«Ce qui a fait vraiment mal, c'est la concentration de la distribution et la politique d'achat des chaînes, a dit Mme Lupien. Actuellement, les trois grands distributeurs (Loblaw-Provigo, Sobeys-IGA et Metro) offrent surtout des produits importés, principalement de l'Inde.»

Au Québec, il reste seulement deux transformateurs qui achètent les concombres pour en faire des cornichons: Whyte's et Potter's. «Environ 90% de nos cornichons sont québécois, a indiqué Philippe Blondin, vice-président aux achats de Whyte's. C'est une fierté pour nous.»

Bientôt du surgelé

Problème: il est interdit d'écrire «produit du Canada» sur un pot de cornichons québécois. «C'est totalement ridicule, a dénoncé M. Blondin. La réglementation canadienne exige qu'il y ait un maximum de 2% de contenu étranger dans un produit du Canada.» Or, le sel, le sucre et le vinaigre utilisés dans les marinades sont importés, même si les concombres sont d'ici.

C'est un fait que les épiceries vendent de plus en plus de cornichons importés, a reconnu Nathalie St-Pierre, vice-présidente du Conseil canadien du commerce de détail. Mais des travaux ont été entrepris «pour améliorer la compétitivité du secteur et chercher à innover», a-t-elle précisé.

Un projet est particulièrement étonnant: du concombre surgelé devrait arriver bientôt en magasin. «Une entreprise canadienne a mis au point une technologie qui permet de déshydrater en partie le concombre avant de le surgeler, a révélé Mme Lupien. Quand on le dégèle, il garde sa consistance.»

«C'est un projet qui nous tient à coeur», a témoigné Pascal Forest, producteur de concombres à Saint-Jacques-de-Montcalm, dans Lanaudière. Le goût de cette nouveauté, à utiliser en salade ou en sorbet, «est à mi-chemin entre le concombre et le melon miel», a décrit Mme Lupien. Des «tests seront faits sur le marché en 2012», a-t-elle ajouté.

On étudie aussi la possibilité de cultiver des variétés de concombres qui se fécondent sans abeilles, qui contiennent moins de semences et qu'on peut récolter moins souvent. «Il faut abaisser les coûts de production pour rester compétitifs sur les marchés», a fait valoir la directrice générale.

Un truc si vous voulez acheter des cornichons québécois: choisissez les gros. Les petits cornichons, dont la récolte coûte cher en main-d'oeuvre, viennent plus souvent de l'Inde, où les salaires sont moins élevés qu'ici.