Après avoir fait rougir bien des adultes consentants, voilà que l'auteure de nouvelles érotiques Marie Gray s'attaque au public adolescent. L'objectif est moins ludique (lubrique?) que pratique, à la limite pédagogique: les filles, avant de passer à l'acte, de grâce, pensez-y. Deux fois plutôt qu'une.

C'est ainsi que l'on pourrait résumer le message du tout dernier livre de l'auteure des Histoires à faire rougir, qui vient de lancer le premier d'une nouvelle série de romans pour adolescentes: La première fois de Sarah-Jeanne, dans la collection Oseras-tu, aux éditions Guy Saint-Jean.

Le roman, car c'est un roman, raconte l'histoire de Sarah-Jeanne, une jeune adolescente de 15 ans qui change d'école et doit se faire un nouveau cercle d'amis. À l'instar de l'héroïne de High School Musical, elle chante, et tombera sous le charme d'un autre musicien. Mais là s'arrête la comparaison avec le film à succès de Disney. Car Marie Gray a voulu illustrer les vraies questions que se posent les vraies filles, à l'adolescence. Et à quoi on pense, quand on a 15 ans, et qu'on a des papillons dans le ventre quand on voit un garçon? À sa première relation, voyons!

Mais c'est quoi, au juste, faire l'amour? Une fellation, une éjaculation, ça ressemble à quoi? Est-ce qu'on est obligé de coucher pour rester intéressante? Et est-ce que ça fait mal? Mécaniquement, on se fait une idée, mais dans la tête, dans le coeur, on se sent comment? C'est à toutes ces questions que Marie Gray s'attaque, le plus honnêtement possible (et parfois très crûment, d'où l'«avertissement» sur la couverture du livre: «14-18 ans»).

«J'ai réalisé qu'il n'existait pas grand chose pour les adolescents pour parler de sexualité sans tomber dans la pornographie, ou à l'inverse dans des discours infantilisants», raconte l'auteure, rencontrée cette semaine. À qui, en effet, poser toutes ces questions sans perdre la face?

Pour écrire, Marie Gray a rencontré une dizaine d'adolescentes, leurs mères, une psychologue dans une polyvalente, des intervenants, des sexologues et des professeurs du secondaire. «Et je me suis promenée beaucoup dans les parcs. On apprend beaucoup dans les parcs, les soirs d'été ...»

Elle s'est imprégnée de leurs interrogations, inquiétudes, espoirs, donnant ainsi un ton très réaliste à son roman: Sarah-Jeanne, cela pourrait être n'importe quelle jeune fille.

La première moitié du livre est toutefois plutôt dure. Sarah-Jeanne vit une mauvaise aventure (je ne vous vendrai pas la mèche, mais je vous rassure: tout est bien qui finit quand même bien), et rencontre une autre jeune fille qui en a vécu une encore pire: victime d'un viol collectif, Marie Gray décrit avec précision et émotion l'enfer d'une nuit trop arrosée.

Était-ce bien nécessaire, dans un roman sur la «première fois», de tomber si bas? Oui, répond sans hésiter l'auteure. «Ça n'arrive pas à une majorité de filles, mais malheureusement, ça arrive. Et même celles à qui ça n'arrive pas, elles en entendent parler. Alors je fais un petit peu de prévention.»

Son objectif n'est ni de faire peur aux filles, ni de les encourager à passer à l'acte, au contraire. Son but est de faire réfléchir. Comme réfléchit longuement l'héroïne du roman, finalement. «Amorcer une réflexion: est-ce que je suis prête, est-ce que j'en ai vraiment envie, est-ce que c'est avec lui?».

Une partie des profits de la vente du livre sera versée à différents organismes oeuvrant auprès des jeunes. L'auteure souhaite par ailleurs faire une tournée dans différentes écoles secondaires pour poursuivre la discussion avec les jeunes.

Mélanie Turcotte, membre du Regroupement professionnel des sexologues du Québec, n'a pas encore lu le roman mais suggère aux parents de le parcourir avant. Et bonne nouvelle: ils n'auront aucun mal, car le récit est très accrocheur, voire intriguant. Même pour une maman...

Avis aux intéressés: «Discuter du livre pourra offrir un bon prétexte. Le parent pourra discuter, sans avoir l'air moralisateur...», conclut la sexologue._______________________

Marie Gray, La première fois de Sarah-Jeanne, Guy Saint-Jean Éditeur, 2009.