Vous voulez éviter le purgatoire? Heureusement pour vous, une méthode vieille de plusieurs siècles, qui était tombée en disgrâce après le concile Vatican II, fait un retour remarqué dans l'Église catholique: l'indulgence plénière.

Donald Tremblay, un prêtre du diocèse de Saint-Jérôme, indique que les indulgences plénières sont souvent liées à des manifestations spéciales, comme un jubilé, un pèlerinage, une première communion, ou l'écoute de la bénédiction urbi et orbi donnée par le pape à Noël. Dans le cas d'une première communion, quiconque y assiste peut obtenir une indulgence plénière s'il se confesse dans les huit jours suivant la messe, et prie aux intentions du pape «avec un coeur sincère».

 

Le père Tremblay accompagne souvent des groupes de jeunes sur la route de Saint-Jacques-de-Compostelle. «Quand je leur explique qu'ils peuvent avoir une indulgence plénière en arrivant à Compostelle, ils ne savent jamais de quoi je parle, dit le père Tremblay. Ça ne fait pas partie de la culture spirituelle du Québec. Mais tous les jeunes à qui je l'ai dit l'ont fait. En soi, c'est même quelque chose de beau, tu fais un geste d'amour, une démarche spirituelle pour quelqu'un de décédé.»

Car l'indulgence plénière ne permet pas seulement d'échapper soi-même au purgatoire. Elle permet de l'éviter à quelqu'un d'autre, par exemple à un proche récemment décédé. Quand on le fait pour soi-même, précise le père Tremblay, l'indulgence ne s'applique que jusqu'au prochain péché.

Un passé sulfureux

Juste avant le carême, le New York Times rapportait que plusieurs diocèses américains, dont ceux de Brooklyn, Washington, Pittsburgh, Portland en Oregon et Tulsa en Oklahoma, faisaient pour la première fois cette année la promotion ouverte des indulgences plénières. À Brooklyn, une simple confession ne suffisait pas: il fallait aussi recevoir la communion, faire une prière pour le pape, et atteindre «un détachement complet pour toute inclinaison pour le péché».

La technique a un passé sulfureux. À la fin du Moyen-Âge, en Allemagne, la vente des indulgences plénières avait été autorisée pour financer l'élection de certains archevêques. Outré, le théologien Martin Luther avait dénoncé cette pratique en 1517, lançant la Réforme et scindant l'Église en deux. Les Églises protestantes n'offrent pas d'indulgences plénières à leurs fidèles - tout comme elles ne considèrent pas que la communion implique le corps du Christ.

La condamnation de Luther a mené au concile de Trente, qui a interdit la vente des indulgences en 1567. Mais selon M. Routhier, même en Allemagne au XVIe siècle, la vente des indulgences était rare.

«Au moment du concile, on avait commencé une réflexion sur les indulgences», explique Gilles Routhier, théologien à l'Université Laval. «Dans les années post-conciliaires, elles n'avaient pas été abolies, mais on avait mis la pédale très, très douce là-dessus. Depuis l'an 2000, quand le pape Jean-Paul II a offert l'indulgence du Jubilé, la pratique revient à l'avant-scène.»