Un mur de tabloïds camoufle votre magazine de philosophie préférée. Les frasques de Britney Spears tapissent toutes les unes : sa relation douloureuse avec sa mère, ses problèmes d'alcool. Impossible d'y échapper. Vous vous éloignez en rêvant d'un monde libéré de ces commérages à cinq sous. Mais une question vous tarabiscote : pourquoi l'industrie du voyeurisme n'a-t-elle jamais été aussi florissante? La réponse à de quoi surprendre.

Sans potin, aucune cohésion sociale. Ils sont largement responsables de nous rapprocher entre individus et à comprendre nos comportements. Notre obsession d'en savoir un peu plus sur les autres - surtout les vedettes - est le pur produit de l'évolution, de l'homme des cavernes jusqu'à aujourd'hui. L'étonnant constat est étayé dans un livre complet consacré à la question : Grooming, Gossip and the Evolution of Language.Son auteur, le psychologue de l'Université de Liverpool Robin Dunbas, démontre comment le commérage a été utile à travers les millénaires pour tisser des liens sociaux entre les groupes. Deux éminents chercheurs des universités Yale et du Colorado abondent dans le même sens. Le potin incarne l'un des meilleurs outils pour nous comparer socialement les uns aux autres, avancent-ils. Vous n'avez qu'à penser aux laboratoires humains que sont les émissions télévisées comme Loft Story, Occupation double et compagnie, diffusées aux heures de grandes écoutes.

Potin, de quoi parle-t-on?

Sans arrêter une définition précise, les psychologues jugent le commérage comme un échange d'information à propos d'un individu, souvent absent au moment de la discussion.

Généralement, le ton est plutôt relax, anecdotique, informel et divertissant. Le sujet du jour est aussi l'occasion d'émettre un jugement moral sur la personne concernée. Personne n'y échappe ou presque. Regardez autour de vous. Il se trouve toujours quelqu'un exceptionnellement bien informée sur les anecdotes les plus croustillantes sur tout un chacun.

De l'homme des cavernes à nos jours

Pour les spécialistes, seuls les comportements essentiels à la survie de l'espèce résistent à l'évolution. Partant de cette prémisse, les psychologues se sont alors demandé pourquoi le commérage s'était-il perpétué? Pour comprendre, il faut remonter à la préhistoire. L'homme des cavernes appartenait à un groupe d'individus relativement restreint, où la promiscuité forçait le contact avec les autres. La coopération devenait alors essentielle à la survie, tant pour affronter les clans « étrangers » que pour se partager les ressources alimentaires limitées.

Pour survivre, nos ancêtres ont donc dû développer le réflexe d'en apprendre un peu plus sur les autres, à savoir qui représente le meilleur partenaire, qui est fiable pour faire des échanges, qui est honnête ou pas, etc.

La sélection naturelle a ainsi privilégié les individus qui ont développé une forme d'intelligence sociale. Ces personnes étaient particulièrement habiles à prédire et à influencer le comportement des autres. Comment? En se tenant courant de ce qui se tramait tout autour d'eux, pour ensuite pouvoir manoeuvrer à leur avantage. En fin de compte, les personnes les plus fascinées par la vie de leurs semblables étaient celles qui ont le mieux réussi par rapport aux individus désintéressés par l'histoire des autres. Et ce trait particulier a voyagé dans nos gènes jusqu'à nous.

Les bons et les mauvais potins

Alors, comment faire la différence entre les « bons » et les « mauvais » potins? Dans la catégorie du commérage positif, il y a l'acte lui-même de potiner, considéré comme une manifestation de confiance mutuelle entre les deux « potineurs ». Par cet échange, vous signalez clairement à l'autre envie de vous rapprocher en lui confiant un secret. Tacitement, vous signez également une entente l'invitant à ne jamais utiliser un jour cette information contre vous.

À l'inverse, un collègue tenu à l'écart du réseau de potineurs est généralement considéré comme étant peu digne de confiance et que l'on a exclu volontairement. Une méta-analyse des études sur le sujet a été réalisée en 2004 à l'Université Florida State. Il en ressort que le commérage permet de connaître les règles tacites qui unissent un groupe ou une communauté culturelle ensemble.

À l'opposé, le commérage devient négatif quand les propos visent à dénigrer délibérément un ou plusieurs individus au profit des potineurs. On peut voir ces individus sévir chaque semaine dans les émissions de télé-réalité comme Survivor, un véritable laboratoire in vivo en la matière. Les kiosques à journaux n'y échappent pas non plus!