Le troisième de cette série de cinq textes sur la santé mentale porte sur la dépression des tout-petits. La semaine prochaine, nous verrons comment vivre avec un proche déprimé ou anxieux.

À 5 ans, un petit Québécois sur sept montre des symptômes de dépression ou d'anxiété, selon une étude récente de l'Université de Montréal.

 

Fort heureusement, on peut détecter les enfants les plus à risque dès les premiers mois de la vie et leur fournir de l'aide ainsi qu'à leurs parents.

«On ne parle pas de dépression majeure, mais les enfants qui ont ces symptômes à l'âge préscolaire sont par la suite plus à risque de dépression et d'anxiété cliniques», explique Sylvana Côté, qui enseigne la psychologie à l'Université de Montréal.

«La clé est une intervention très précoce», précise celle qui est aussi l'auteure principale de l'étude parue dans le Journal of Child Psychology and Psychiatry.

Quels sont les facteurs de risques?

Il y en a quatre, répond-elle: un tempérament difficile à 5 mois, une mère ayant déjà eu une dépression majeure, une famille dysfonctionnelle et des parents qui se sentent inadéquats.

L'étude a suivi 1800 enfants de 5 mois à 5 ans, en évaluant de manière détaillée leur caractère et leur famille à chaque année.

Ensuite, les chercheurs montréalais ont divisé l'échantillon en trois groupes, selon que les symptômes dépressifs et anxieux augmentaient peu, modérément ou beaucoup.

Les bébés difficiles avaient 30% plus de risque d'être dans le groupe où les symptômes augmentaient beaucoup, et ceux dont les mères avaient déjà eu une dépression majeure avaient entre 10% et 20% plus de risque.

Les familles dysfonctionnelles et le sentiment d'être inadéquat d'un parent constituaient des facteurs de risque moins importants, parce qu'ils ne distinguaient que le groupe ayant peu d'augmentation de symptômes et celui qui avait une forte augmentation.

L'importance de cette étude est de privilégier une intervention sur la relation parent-enfant ou alors sur les parents avant tout, selon la psychiatre Johanne Renaud, qui dirige la section jeunesse du programme des troubles dépressifs de l'Institut Douglas.

«Les symptômes dépressifs à l'âge préscolaire sont controversés, mais on pense de plus en plus qu'il faut intervenir, dit le Dr Renaud. Dans le grand public, les gens vont dire «voyons donc, un enfant déprimé à la garderie», mais il faut reconnaître que la tristesse qui dure des mois peut cacher un fond dépressif».

On parle d'un nombre moins grand de symptômes que la dépression majeure, ajoute-t-elle, mais qui durent plus longtemps, un an au lieu d'une semaine, avec une intensité moins forte.

Chez les adolescents, la possibilité de la dépression vient tout juste d'être acceptée par le grand public, et chez les 6-12 ans on commence à peine, souligne le Dr Renaud.

Les études les plus importantes sur la dépression à la garderie ont été faites par Joan Luby, une psychiatre de l'Université Washington à St. Louis.

En 2003, elle a lancé un pavé dans la mare en affirmant, dans le Journal of the American Academy of Child and Adolescent Psychiatry, que les enfants incapables de s'amuser en jouant peuvent être cliniquement déprimés. Le mois dernier, dans l'American Journal of Psychiatry où elle évaluait 30 types d'intervention chez les enfants d'âge préscolaire, elle a même décrit un cas de dépression clinique chez un enfant de 3 ans.

Les parents hésitent parfois à demander de l'aide pour un bébé, constate Alain Lebel, pédopsychiatre à l'hôpital du Sacré-Coeur.

«On se dit parfois qu'un bébé ne pense pas ou ne peut pas ressentir ce type d'émotions, dit-il. Il y a aussi la crainte chez les parents de se sentir jugés. Comme la relation parent-enfant est tellement étroite dans les premiers mois de la vie, ça remet en question comment on s'occupe de son bébé.»

Mais il y a aussi des problèmes d'accès aux soins, ajoute-t-il.

«Il y a des programmes pour les clientèles vulnérables dans les CLSC, mais c'est plus difficile pour les familles plus ordinaires qui ont tout à coup des crises de développement», remarque le Dr Lebel.

Avez-vous déjà songé à consulter un psychologue pour votre enfant lorsqu'il était à la garderie? Faites-nous part de vos commentaires!