L'an dernier, une femme de 24 ans est décédée lors d'une rhinoplastie dans une clinique montréalaise. Ses poumons ont éclaté et ont écrasé son coeur lors d'une mauvaise gestion de l'anesthésie, révélera sous peu un rapport du Bureau du coroner. Ce nouveau décès, alors qu'on assiste à une demande croissante d'interventions cosmétiques au Québec, soulève des questions. Les patients sont-ils bien informés ?

«On voit de plus en plus de gens insatisfaits des services reçus en chirurgie esthétique, mais bien peu de gens savent que les médecins n'ont pas obligation de résultat», indique l'avocat Jean-Pierre Ménard, spécialiste en responsabilité médicale. Selon un récent sondage, seulement 25 % des Canadiens qui désirent une chirurgie esthétique font des recherches avant de rencontrer leur médecin. «Certains arrivent en clinique comme si c'était un salon de beauté. Il y a beaucoup d'éducation à faire, note le Dr Yvan Larocque, président de la Société canadienne de chirurgie esthétique plastique. C'est notre devoir de présenter les avantages, les inconvénients et les complications possibles. Les attentes sont parfois irréalistes. Aucune chirurgie n'est parfaite et jamais sans risques, on est soumis aux aléas de la guérison.»

Si l'intervention est faite dans les règles de l'art, il est donc difficile de revenir contre son médecin. Les poursuites, bien que croissantes, restent peu nombreuses, peut-être une centaine par année. Au Collège des médecins du Québec, on a reçu 146 plaintes depuis 2001. «Les patients se sentent coupables, ils ne veulent pas publiciser leur opération et se résignent», souligne Me Ménard.

Marie-Claude, 35 ans, a subi une abdominoplastie et un lifting des cuisses après avoir perdu beaucoup de poids. Trois ans plus tard, elle dit n'avoir aucune sensation au ventre, du nombril jusqu'au pubis. «C'est engourdi et je ne sens ni la chaleur et ni le froid.» Elle s'est habituée. Actuellement, elle cherche un chirurgien pour un lifting des fesses, au Québec ou ailleurs. «Je n'ai pas peur, mais il ne faut pas se mettre la tête dans le sable. Des complications peuvent arriver.»

Des complications sévères surviennent effectivement dans un cas sur 298 et un patient sur 51 459 meurt des suites d'une chirurgie esthétique, indique une étude publiée en 2004 dans le journal de l'American Society of Plastic Surgeons, Plus de 400 000 interventions dans des clinique accréditées ont été étudiées. Des résultats similaires ont été signalés par l'ASPS en 2007. En France, des chercheurs ont établi que les chirurgies esthétiques les plus populaires, telles l'augmentation mammaire et la liposuccion, présentent en moyenne 7 % de complications.

Pour mieux protéger les patients, le Collège des médecins du Québec entend resserrer les règles de pratique en clinique privée. Il déposera son rapport dans quelques semaines. « Il y a un grand ménage à faire, insiste l'avocat Jean-Pierre Ménard. La publicité est très peu contrôlée, les risques sont peu exposés et il y a beaucoup de fausse représentation. Certains traitements, comme le transfert de gras, sont expérimentaux et non approuvés. Aussi, de plus en plus de médecins généralistes pratiquent la chirurgie esthétique.»

Un médecin omnipraticien n'a pas le droit de se prétendre chirurgien, mais peut annoncer qu'il oeuvre en médecine esthétique. «La liposuccion est particulièrement populaire auprès des omnipraticiens parce que c'est une technique peu invasive, mais il peut y avoir de risques sérieux», indique le Dr Eric Bensimon, porte-parole de l'Association québécoise des spécialistes en chirurgie plastique et esthétique. Les chirurgiens reçoivent un entraînement spécialisé de cinq ans au terme duquel ils doivent passer des examens. Pour les omnipraticiens, quelques cours d'appoint suffisent.

À l'heure actuelle, on ne connaît pas le nombre de médecins pratiquant la chirurgie esthétique, ni le nombre d'interventions effectuées par année. Il n'y a aucun processus pour rapporter les bavures. «Ce qu'on entend, ce n'est que la pointe de l'iceberg, résume Me Ménard. C'est le far west.»