L'anxiété est un facteur qui pèse lourd dans la balance chez les jeunes gais et lesbiennes qui se suicident. Et ils sont plus enclins à consulter un professionnel de la santé mentale avant de passer à l'acte, révèle une étude de l'Institut universitaire en santé mentale Douglas.

Pour parvenir à ces conclusions, Dr Johanne Renaud, chef médical de la section jeunesse du programme des troubles dépressifs, de l'Institut Douglas, a rencontré la famille de 55 jeunes du Québec, âgés entre 11 et 18 ans, qui se sont enlevés la vie. À la suite d'une série de questions sur l'orientation sexuelle de ces jeunes, elle s'est penchée sur quatre cas d'apparente homosexualité.

Ses recherches, dont les résultats sont publiés ce mois-ci dans la Revue canadienne de psychiatrie, démontrent que les jeunes gais et lesbiennes étaient 12 fois plus susceptibles de souffrir de troubles anxieux. Et dans le mois précédant leur décès, ces jeunes semblaient plus nombreux à avoir consulté un professionnel de la santé, un psychiatre, ou même à avoir été hospitalisés. Leur niveau d'impulsivité était par ailleurs élevé.

«Ce n'est pas beaucoup en termes de nombres, mais les résultats sont suffisamment solides pour poursuivre la recherche plus loin, explique Dr Renaud. La dépression demeure la cause numéro un du suicide, il n'y a pas de doute là-dessus. Toutes les études le démontrent. Mais l'anxiété est certainement un facteur. Et dans les cas des quatre jeunes, la prévalence était très forte.»

Autopsie psychologique

Les résultats de cette «autopsie psychologique», comme le mentionne Dr Renaud, n'étonnent pas l'organisme Gai Écoute, qui se questionne sur cette hypothèse depuis des années.

«Dans la période de coming out, surtout chez les garçons, on remarque que l'anxiété est plus grande, affirme Laurent Cutcheon, président de l'organisme et de la fondation Émergence. Je pense que cette étude va pousser la réflexion plus loin. Il y a la dépression, oui, c'est indéniable. Mais il faut pousser plus loin, aller en amont.»

De son côté, le Dr Renaud espère que les résultats «exploratoires» vont permettre un soutien plus actif chez les jeunes aux prises avec un questionnement sur leur orientation sexuelle. «Il ne faut pas hésiter à offrir un suivi, un traitement pour la dépression si c'est nécessaire. Cette étude ne dit pas qu'il y a davantage de suicides chez les homosexuels, il faut faire attention à la compréhension, mais elle donne un éclairage nouveau sur le niveau d'anxiété chez les gais et lesbiennes qui passent à l'acte», précise le chef médical du programme des troubles dépressifs.

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La prévention en bref

- Du 31 janvier au 6 février se déroulera la 20e semaine de prévention du suicide. Malgré la baisse du nombre de morts par suicide, le Québec présente encore la statistique la plus élevée au Canada, suivi de près par l'Ontario, mais loin derrière les autres provinces. En 2007, 1091 personnes se sont suicidées au Québec, soit 858 hommes et 232 femmes.

- On estime qu'en moyenne, 10 personnes sont touchées par un seul suicide. On évalue donc à 10 910 le nombre d'endeuillés par suicide pour l'année 2007.

- On estime qu'au Québec, 700 000 personnes sont touchées par le suicide, ce qui représente le nombre de passagers de plus de 1500 Boeing 747.

- 80% des suicidés sont des hommes.

- Chaque jour, trois Québécois s'enlèvent la vie.