C'est clair, certains grands clichés sont tenaces. Et en publicité, on n'y échappe pas. La femme, c'est encore, souvent, la mère. La bonne mère, on s'entend. Celle qui sait bien nourrir ses enfants ou laver sa lessive plus blanc que blanc. Mais en pub, la femme n'est plus que cela. C'est aussi une bricoleuse qui sait rénover selon ses idées. C'est aussi, on n'en sort pas, une jeune et jolie séductrice, fantasme de ces messieurs, dont les mensurations et les traits relèvent souvent davantage du rêve que de la réalité. Et finalement, c'est enfin un peu de tout cela: un personnage complexe, pluriel, à la fois mère et sexy, bricoleuse et jolie.

La mère débordée

Qu'elle sache que «Nutella fait partie d'un déjeuner nutritif», ou soit au bout du rouleau, en quête d'une collation pour calmer ses enfants, la femme mère, souvent jeune, jolie, et rarement cernée, n'est toutefois plus la ménagère solitaire d'antan. Les pères sont bien présents (on pense aux pubs de Metro). Nouveauté, toutefois: souvent, la mère est soit très active (Danactive), ou alors carrément débordée. «Les chiffres sont éloquents, il y a encore un fardeau énorme qui repose sur les épaules des femmes. Elles sont à la fois au four et au moulin et, oui, elles vivent une grande détresse sur le plan psychologique», explique Frédéric Blaise, président de l'agence Enzyme, responsable de la campagne des collations Igor, dont le slogan, justement, est «à la rescousse des mamans».

 

La bricoleuse

Jadis celle qui rêvait de changements, la femme d'aujourd'hui est aussi, au même titre que l'homme, instigatrice des projets de rénovation et, surtout, exécutrice. «Statistiquement, on sait que dans les centres de rénovation, ce sont les femmes qui sont responsables de la majorité des achats», explique Carle Coppens, directeur de création chez BCP et coconcepteur de la campagne «Vous voulez, vous pouvez» de Rona. On se souvient qu'aux débuts des années 2000, est tout à coup apparu un nouveau personnage-clé et surtout inusité dans les pubs de rénovation: la femme. Pas seulement ici, mais aussi aux États-Unis, même en France (Castorama). «Tout cela provient d'une réalité terrain, poursuit le publicitaire. Nous, où on a poussé un peu, c'est qu'on leur a fait manipuler les outils aussi. Sur le plan créatif, c'était intéressant.»

La plantureuse

C'est l'incontournable de toutes les publicités de mode, parfums, et autres produits de beauté: la femme fatale, tantôt soumise, tantôt racoleuse, voire dominatrice. Toujours sublime. «L'univers des cosmétiques, c'est presque un univers à part, analyse Marie-Claude Ducas, rédactrice en chef d'Infopresse. Il y a vraiment une part de rêve.» Or, il se fait très peu de ces publicités à la Chanel au Québec. La femme «pitoune» québécoise est donc souvent reléguée aux publicités de bière, une industrie qui, traditionnellement, a fait grand usage de jeunes, jolies, et plantureuses «Bimbo» (on pense à Budweiser, à Labatt Bleue, pour ne nommer que celles-là). Nouveauté aujourd'hui: elles ne font pas seulement «partie du décor», mais «jouent un rôle actif», signale Stéphanie Trudeau, porte-parole de Labatt. «Et les gars sont tout aussi beaux.» La femme, heureux mélange de fantasme et de réalité, est souvent ici une fille de 18 à 25 ans, jolie et surtout «sur le party». «Il ne faut pas le voir avec des yeux de 40 ans, précise Stéphane Veilleux, vice-président création chez Brad, responsable de plusieurs campagnes de publicité de bière. La majorité des jeunes hommes sont comme ça: ils aiment les filles cute, dit-il. Nous, l'agence, on doit donc aller dans ce sens.»

La femme plurielle

Signe des temps, la femme présentée dans les publicités n'est plus «unidimensionnelle». «Oui, la femme en publicité a changé, parce que la vie a changé», résume Marie-Claude Ducas, rédactrice en chef d'Infopresse. La mère a généralement, aussi, l'apparence d'une professionnelle, elle est jolie, toujours bien mise et, très souvent, active. De plus en plus de publicités mettent en effet en scène cette femme dans son quotidien (on pense à Danactive ou aux publicités américaines pour la Wii Fit); on voit la femme se lever, s'occuper des enfants, s'entraîner, aller au boulot, bref, toujours s'activer. Serait-ce le retour de la superwoman? «Non, parce qu'elle n'a pas de superpouvoirs, répond Jean Julien Guyot, blogueur et responsable du monitoring de marque chez Sid Lee. Cela fait partie d'elle. Ce n'est pas de la science-fiction. On reconnaît qu'elle est multiple. Mais il faut aussi qu'elle s'assume.»